La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Comment EDF veut pousser TotalEnergies à financer son parc nucléaire
des performances d’EDF. En ce moment, ce dernier mène ainsi d’intenses négociations avec les industriels en question, dont TotalEnergies qui n’est pas qu’un fournisseur, mais aussi un client très gourmand en électricité pour ses activités de raffinage du pétrole.
Et pour cause, EDF y gagnerait beaucoup : en concluant ces contrats, il toucherait d’importants revenus supplémentaires de la part de ces industriels. Ce qui contribuerait à l’entretien du parc actuel, mais aussi à la construction des futurs réacteurs EPR2 demandés par l’Etat.
Propriétaires de la production
Pour le comprendre, il faut se pencher sur la manière dont ces accords fonctionnent. Concrètement, il ne s’agirait pas d’un contrat de fourniture en tant que tel mais d’un partenariat industriel, explique-t-on chez EDF. Et la différence n’est pas que sémantique : alors que les premiers ne peuvent être signés que pour des durées de trois à cinq ans maximum en raison de règles européennes anti-monopole, les seconds peuvent s’étendre sur une période bien plus longue, jusqu’à 15 ans, tout en restant conformes aux règles de Bruxelles. Les industriels concernés auraient donc un statut de co-producteurs, et non de simples clients.
« Ils deviendraient propriétaires de la production. Pas du parc, car EDF conserve la responsabilité d’exploitant tant il y a de contraintes et d’exigences », explique Stanislas Landry, directeur Grands Comptes d’EDF.
Et ceux-ci en tireraient des avantages. En premier lieu, un prix garanti « pas très loin des coûts de production d’EDF », note l’économiste Jacques Percebois, spécialiste des marchés de l’électricité. Exit, donc, l’incertitude et la volatilité intrinsèques au marché : sur les volumes couverts par le deal, le tarif se rapprocherait du coût de revient des centrales ; une aubaine, alors que de nombreuses entreprises, EDF compris, estiment que les cours de l’électricité vont augmenter dans les prochaines décennies.
Par conséquent, quelques industriels ont d’ores et déjà signé une lettre d’intention pour sécuriser une partie de leurs approvisionnements futurs : la société GravitHy de production de fer réduit bas-carbone à Fos-sur-Mer, ArcelorMittal, ainsi qu’une troisième entreprise qui n’a pas souhaité communiqué, selon EDF.
Enthousiasme limité
Et pourtant, au-delà de ces quelques exemples, l’enthousiasme reste très limité. TotalEnergies, justement, n’a pour l’instant annoncé aucun accord avec EDF malgré la prise de position de son PDG au forum de Davos. Surtout, les lettres d’intention se comptent toujours sur les doigts d’une main, alors même que le dispositif est disponible depuis plusieurs mois et qu’il existe près de 800 entreprises électro-intensives dans l’Hexagone, de la sidérurgie à l’aluminium, en passant par l’aciérie, la chimie, la fonderie ou encore la papeterie.
La raison, si l’on en croit l’Uniden (qui représente les industries françaises intensives en énergie) : être « associé au productible [nucléaire] et à ses aléas, industriels et commerciaux » représente un « facteur d’incertitude majeur ».
En effet, puisqu’il ne s’agit pas d’un simple contrat de fourniture, les signataires ne recevraient pas un volume d’électricité fixe à un prix prédéfini, mais une quote-part calculée en pourcentage de la production réelle de l’ensemble du parc atomique sur toute la durée de l’accord, et dont le tarif varierait selon le coût de revient des centrales. Autrement dit, si EDF rencontrait d’importantes difficultés pour faire tourner ses réacteurs, comme ce fut le cas en 2022 et 2023, l’industriel en ferait directement les frais.
Sur ce point, EDF se veut rassurant. Son argumentaire : pour des raisons de concurrence, un contrat d’allocation de production nucléaire (CAPN) ne pourra couvrir que 50% à 60% du besoin d’un industriel, afin qu’EDF ne s’accapare pas tous les clients électro-intensifs de France. Par conséquent, quel que soit le niveau de production, les clients en CAPN bénéficieront d’environ 7% des volumes générés par le parc au global, c’est-à-dire 24 térawattheure (TWh). Résultat : « Comme nous resterons propriétaires de 93% des installations, nous garderons l’incitation à produire au maximum et au meilleur prix », assure Stanislas Landry.
Des frais initiaux importants
Mais malgré ce discours, les réticences demeurent. Il faut dire que l’entreprise signataire d’un CAPN devrait également verser une importante avance en tête, c’est-à-dire une contribution initiale couvrant les investissements passés par EDF sur son parc de production, ainsi que les coûts de fin de vie du parc (post-exploitation de démantèlement et de traitement des déchets). Or, cet apport peut représenter jusqu’à 1/3 du chiffre d’affaires de ces sociétés ! « Il y a un arbitrage à réaliser : placez-vous ces milliards dans le financement, en partie, des