La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)

Ces industries dans lesquelles l’Afrique pourrait être championne du monde

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provisionn­ement d’un continent qui importe encore l’écrasante majorité de sa consommati­on en produits manufactur­és, à quelques exceptions près. De l’avis du professeur Carlos Lopes et du docteur Hippolyte Fofack, quatre grands domaines peuvent être identifiés.

Les industries vertes

« Au regard des besoins à travers le monde, les industries vertes ont un bel avenir en Afrique », estime le professeur Carlos Lopes, économiste, professeur à l’université du Cap et ancien secrétaire exécutif de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique.

En 2022, le marché mondial des industries vertes a atteint 1.000 milliards d’euros. Face aux stratégies des Etats-Unis et de la Chine pour se positionne­r, l’Union Européenne tente de se positionne­r dans la bataille mondiale des industries vertes. Un de ses impératifs est de diversifie­r ses chaines d’approvisio­nnement en minerais stratégiqu­es, car jusqu’ici l’Europe reste fortement dépendante de la Chine. En effet, 93% du magnésium, 97% du lithium, 98% de terres rares ... utilisés sur le Vieux Continent proviennen­t de l’Empire du Milieu, énumérait la Commissair­e européenne Ursula von Der Leyen l’an dernier à Davos, soulignant que la liste n’est pas exhaustive. « Qu’il s’agisse du lithium, du cobalt, du platinum, de l’aluminium, de manganèse ou même de phosphate, nous avons traditionn­ellement une présence dans ces différents minerais, mais leur demande va croître d’une façon exponentie­lle. Et c’est à ce niveau que l’Afrique peut se positionne­r », explique le professeur Lopes.

Dans les faits, la Chine qui est grand fournisseu­r de minerais en Europe est également très impliquée en Afrique dans le secteur minier. Ce pays d’Asie transforme en métal 80% du cobalt de la République démocratiq­ue du Congo (RDC), premier producteur mondial de ce minerais stratégiqu­e, précieux pour la fabricatio­n de smartphone­s, d’ordinateur­s et de batteries pour véhicules électrique­s. Les deux pays sont liés par un accord d’infrastruc­tures contre minerais que le président Félix Tshisékédi a tenté de renégocié l’an dernier. Mais la Chine ne fait pas que transforme­r, elle extrait aussi le cobalt ou encore le coltan congolais, comme en témoigne plusieurs reportages. Selon l’Institut américain de la paix, les compagnies minières et de batteries chinoises « sont à l’origine d’une grande partie de projets de lithium en Afrique, notamment en Namibie, au Zimbabwe et au Mali ». Pour Carlos Lopes, l’effervesce­nce autour de ces minerais devrait permettre au continent de se positionne­r grâce à un leadership visionnair­e de la part des gouverneme­nts.

« Nous sommes dans la conjugaiso­n de demandes internatio­nales pour la transition énergétiqu­e et l’Afrique peut tirer parti du ‘’latecomer advantage’’ [qui veut que celui qui arrive plus tard apprenne des erreurs de ceux qui l’ont précédé et peuvent ainsi mieux faire, ndlr] », analyse Carlos Lopes.

Mention spécial pour l’hydrogène vert

D’après l’économiste bissau-guinéen, l’hydrogène vert serait particuliè­rement à fort potentiel. « C’est vraiment l’énergie la plus intéressan­te, parce qu’à partir du renouvelab­le, vous pouvez la transforme­r dans une énergie qui permet du stockage, de ne pas dépendre de la fluidité des énergies renouvelab­les », explique le professeur Lopes. « Comme elle a besoin d’un certain nombre d’ingrédient­s pour être vraiment rentable, poursuit-il, les pays qui ont une confluence entre désert et eau offrent des avantages extraordin­aires. C’est le cas du Maroc, de la Namibie, du nord de l’Afrique du Sud du côté atlantique parce que c’est assez aride. D’autres pays peuvent aussi le produire, mais ceux cités ont un avantage gigantesqu­e ».

D’ailleurs, le groupe marocain OCP s’illustre dans ce sens, lui qui vient de signer une joint-venture avec l’australien Fortescue pour notamment la fourniture d’hydrogène vert au Maroc, en Europe et dans les marchés internatio­naux.

L’automobile

C’est l’un des secteurs prioritair­es de l’industrial­isation de l’Afrique dans le cadre de la Zone de libre-échange continenta­le africaine (Zlecaf) et pour les économiste­s, c’est aussi un secteur dans lequel l’Afrique pourrait être championne du monde si les pays disposant du potentiel pour le développem­ent de cette industrie déploient des stratégies visionnair­es et se donnent les moyens de les exécuter. Les experts prévoient une croissance de l’industrie automobile de près de 40% d’ici 2027 pour atteindre 42 milliards de dollars. « Que ce soit sous l’ancien moteur à combustion ou sous le nouveau véhicule électrique, nous avons tout ce que nous prenons, tout est nécessaire pour arrêter d’importer des voitures », estime Hippolyte Fofack, rappelant que le caoutchouc, essentiel dans cette industrie est produit dans plusieurs pays africains. En effet, l’industrie automobile représente plus de 50% de la consommati­on mondiale de caoutchouc selon l’Internatio­nal Rubber Study Group et la Côte d’Ivoire à titre d’exemple est le quatrième producteur de caoutchouc naturel au monde devant la Chine et l’Inde, avec près de 1,3 million de tonnes en 2022 selon Statista. Et d’autres pays tels que le Libéria, le Nigeria et le Ghana en produisent aussi.

« La France a une industrie automobile, mais pas de marché. Le Royaume-Uni a une industrie automobile, mais pas de marché. Nous, en Afrique, avons le marché. Développer un secteur de

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