La Tribune Toulouse (Edition Quotidienne)
Ces industries dans lesquelles l’Afrique pourrait être championne du monde
l’automobile fort en utilisant ce dont nous disposons, nous mettra sur la voie du succès d’une industrialisation basée sur les matières premières, en lieu et place de l’industrialisation basé sur les marchandises comme c’est le cas actuellement », explique Hippolyte Fofack, estimant que le domaine émergent des véhicules électriques est vraiment une aubaine.
Face au potentiel africain, plusieurs géants mondiaux ont pris des positions industrielles courageuses sur le continent cette dernière décennie. C’est le cas des français Renault avec sa méga-usine de Tanger et Peugeot à Kenitra, au Maroc ou encore l’allemand Volkswagen au Rwanda et au Ghana .... Au-delà, l’Association des constructeurs automobile d’Afrique (l’AAAM) estime qu’outre ces pays qui attirent déjà les géants, d’autres pays peuvent jouer un rôle clé dans le rayonnement de l’automobile africaine comme l’Egypte, le Kenya ou la Côte d’Ivoire.
L’industrie pharmaceutique
Le continent africain dépense près de 20 milliards de dollars chaque année dans l’importation de médicaments. De plus le fléau des faux médicaments qui frappe l’Afrique subsaharienne est devenu une véritable gangrène sociale qui s’invite à souhait dans le débat politique. Dans un continent jeune avec une démographie galopante, le développement d’une industrie pharmaceutique « généralisée » relève de l’urgence, mais les experts y voient aussi une possibilité pour le continent de se frayer une place de choix sur les marchés internationaux. « Nous avons en Afrique tous les ingrédients pour fabriquer des médicaments et délivrer divers produits pour la santé. Il faut pour ce faire des plans ambitieux et des investissements conséquents », estime docteur Fofack.
Le Bio
Le marché mondial du bio se chiffre à environ 125 milliards de dollars en 2021. Avec 60 % de ses terres arables non exploitées, le continent africain dispose d’un potentiel énorme pour le développement de l’agriculture. A cet effet, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, défend l’idée selon laquelle le continent deviendra le grenier du monde. Et de l’avis d’Hippolyte Fofack, le continent a la possibilité de se positionner sur le marché mondial de l’agriculture bio. « C’est une autre bonne industrie devenue très importante dans le monde et le potentiel pour l’Afrique est énorme, surtout parce qu’aux États-Unis et en Europe, les gens recherchent, de plus en plus un certain type de produit qui sont plus naturels », explique l’économiste.
« La vision stratégique des gouvernements démontrée change tout »
Plusieurs pays africains exportent déjà des produits agricoles bio vers l’Union européenne (UE). C’est le cas du Maroc qui prévoit d’atteindre 100.000 hectares de superficie cultivée, contre 18.000 hectares en 2021, sachant qu’ici, l’écrasante majorité de production est dirigée vers l’espace européen. D’autres pays comme la Tunisie, l’Egypte, l’Ouganda, l’Afrique du Sud ou encore le Togo sont très actifs sur le marché bio européen. L’idée, selon le docteur Fofack, est de faire en sorte que le continent exploite davantage ses terres arables du nord au sud, de l’est à l’ouest en passant par les terres fertiles de l’Afrique centrale, afin de déployer une offre de choix à grande échelle sur les marchés internationaux. « Nous en avons toutes les potentialités », estimet-il.
Après cette revue, les économistes s’accordent sur la nécessité pour de telles réalisations qu’elles émanent de véritables visions stratégiques des Etats africains. Alors que la question des compétences revient souvent quand on évoque le développement industriel de l’Afrique, Carlos Lopes estime que le bât blesse surtout en matière de gouvernance. « Je ne suis pas tellement préoccupé par les besoins de compétences technologiques nécessaire à l’industrialisation, pour la simple raison que les bonnes politiques publiques drainent les compétences », explique-t-il. « Le marché du talent n’est plus national, il est international. Aujourd’hui, un Ivoirien ayant un talent dans le domaine des technologies avancées est le bienvenu au Japon, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud ou en Malaisie. En revanche, les compétences en matière de définition des politiques fait vraiment défaut », ajoute l’économiste.
Le professeur Lopes reconnait l’exception qu’incarnent certains pays du continent. « Il y a une dizaine d’années quand un pays comme le Maroc a décidé d’entrer dans l’industrie aéronautique, tout le monde a probablement sourit poliment, ne croyant pas que c’était possible. Aujourd’hui, le secteur emploie 10.000 personnes dans ce domaine », illustre-t-il soulignant qu’un tel exemple « démontre la puissance de la volonté politique prouvée pour transformer une économie sur le plan industriel ».
« Je suis convaincu que, poursuit-il, dans cinq ans, il y aura de plus de Béninois super compétents en matière de transport et dans tout ce qui est textile, parce qu’ils sont les premiers producteurs de coton du continent et ont décidé qu’à partir de l’année prochaine, ils n’exportent plus de coton brut. Et donc, le reste va suivre. Par contre, ces politiques doivent être assez consistantes ».