La Vie Querçynoise

Un chauffard alcoolisé tue, 8 ANS DE PRISON FERME. par sa faute, Noa, un enfant de 10 ans !

Mardi 5 septembre 2017, le tribunal correction­nel de Cahors a déclaré Sellam Akim coupable d’avoir causé la mort de Noa Moura, âgé de 10 ans, en voiture avec ses parents, lors de la collision « involontai­rement » causée sur la route de Cahors-Mercuès.

- Déjà condamné pour alcoolisme au volant JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

Le 5 avril 2017, Sellam Akim conduisait son véhicule avec 2,42 gr/l d’alcool et autres circonstan­ces aggravante­s. Il perd le contrôle de son véhicule et percute la voiture venant en sens inverse, conduite par la maman de Noa Moura.

Le procès d’un homme « ordinaire »

Mardi 5 septembre, 14 h 10 : le tribunal fait son entrée dans la salle des audiences, peu après l’arrivée du prévenu sous escorte policière. Au premier rang de l’assemblée, la famille éplorée ; les parents, le frère de Noa, les grands-parents, oncles, tantes et amis. Une ambiance d’enterremen­t. Virginie Lagarrigue, la présidente, rompt le silence en rappelant les faits qui amènent Sellam Akim à comparaîtr­e. Une fois les menottes enlevées, cet homme de 47 ans, chemisette beige, chausse ses lunettes. Son regard balaye la salle avant de se tourner vers ses juges. Pas d’expression particuliè­re, le prévenu semble éteint, ne laissant transparaî­tre aucune émotion. Il tire sur sa chemise, comme pour s’assurer de faire bonne présentati­on. Sellam Akim est marié et père d’une enfant de 9 mois. Profession­nellement, il travaille dans une entreprise du coin.

Sellam Akim a été présenté une première fois devant les juges le 13 juin 2017, dans le cadre de la procédure de comparutio­n immédiate. Mais il avait alors obtenu un délai pour préparer sa défense avec renvoi d’audience à ce jour.

Le 5 avril 2017, à 0 h 30, le commissari­at de police de Cahors est prévenu d’un accident grave survenu sur la D811, entre Cahors et Mercuès à hauteur de la courbe enjambant la voie ferrée. La Clio conduite par Sellam Akim venant de Mercuès, a percuté l’Audi A3 conduite par Mme Séverine Moura avec à ses côtés son mari et sur la banquette leurs deux enfants, dont Noa mort sur le coup. Les secours dirigent les parents vers l’hôpital de Cahors et le frère de Noa sur Toulouse. Le chauffard, lui aussi blessé, sera évacué vers l’hôpital de Gourdon.

Un mort et des « vies détruites »

Malgré l’invalidati­on de son permis de conduire pour avoir perdu tous les points, Sellam Akim prenait le volant pour se rendre à son travail. « Sans voiture, je perdais mon emploi » indique le prévenu. Ce 5 avril 2017, un mercredi, à la sortie de son travail à 18 h 30, Sellam Akim consomme tout seul deux ou trois bières. Puis il se rend chez un ami et prend à nouveau deux bières de 50 cl. Il s’en va ensuite dîner. Il s’arrête acheter du whisky dans une épicerie…

- « Vous vous souvenez de l’accident ? » demande Mme Lagarrigue au prévenu.

- « Non, je n’arrive pas à me rappeler quoi que ce soit, je pense que je me suis endormi… » répond-il.

Sellam Akim aurait alterné bière et whisky-coca. « Je sais que j’ai bu des bières et deux verres de whisky » assure-t-il.

Quant au véhicule utilisé par le prévenu, il apparaît qu’il n’était pas en état de rouler la nuit. Les feux de croisement ne fonctionna­ient pas, soit la voiture circulait pleins phares, soit à la lumière des veilleuses.

La famille Moura rentrait d’une soirée passée en famille à Montauban. Peu avant le drame, le véhicule de Sellam Akim avait été aperçu en train de zigzaguer sur la chaussée.

Noa décède sous le choc et son frère à côté de qui il était assis sera victime de multiples fractures et contusions, assorties d’un retentisse­ment psychologi­que non évalué à ce jour avec 30 jours d’Incapacité Temporaire Totale (ITT). Quant à Mme Moura, au volant de sa voiture, elle a été grièvement blessée ; son état de santé n’est pas consolidé (ITT de 90 jours). Seul le père n’est pas atteint physiqueme­nt.

Sellam Akim avait déjà été condamné pour alcoolisme au volant et conduite sous l’empire de stupéfiant­s.

Explicatio­ns du prévenu : « J’étais parti au travail comme d’habitude et en sortant je suis allé rendre service à un ami. Comme je suis tête de mule, je n’ai pas voulu rester chez lui, je voulais rentrer retrouver ma femme et la petite de 10 mois. »

- « Pourquoi avez- vous perdu les points du permis de conduire ? » demande la présidente.

- « Oh vous savez il y a beaucoup de radars et j’avais été arrêté aussi pour alcoolémie » répond le prévenu.

Sellam Akim se tourne vers la famille et déclare :

- « Je suis désolé, je n’aurai pas voulu ça du tout. Je suis père d’une enfant de 10 mois. » La présidente poursuit : - « Et qu’est-ce que vous en avez retiré du stage de sensibilis­ation à la sécurité routière que la justice vous avait ordonné de suivre ? »

- « En fait, j’ai fait tout le contraire, je ne comprends pas pourquoi » répond le prévenu.

Puis Mme Séverine Moura est invitée à témoigner (voir encadré ci-contre) et ensuite la grandmère demande à prendre la parole (voir encadré).

Une peine encourue de 10 ans de prison

« Que chacun fasse son travail en fonction de son serment, même si tout le monde sait que rien n’est réparable, lorsqu’il s’agit de la mort d’un enfant ! » affirme maître François Faugères, avocat des parents. Selon l’ancien bâtonnier, le procès permettra à la famille en deuil d’avancer, même s’il n’est pas question de tourner la page. L’avocat précise que la maman ne récupèrera pas la totalité de la mobilité de ses membres et pour le frère de Noa, des interventi­ons chirurgica­les restent à venir. S’ajoute au drame toute la peine pour une mère, un frère, une grand-mère de n’avoir pas pu assister aux obsèques de Noa, que ce soit pour cause d’hospitalis­ation ou en raison de la difficulté à contenir l’émotion… Maître Faugères termine : « La maison ne résonne plus des disputaill­es entre frères et vous devinez ce que peut être ce silence… » .

Pour sa part, maître Nezha Fromenteze s’attache à porter la parole des grands- parents. Elle insiste sur le lien « d’exception » qui existait entre eux et Noa. Elle déclare : « ils vivent cet événement comme la tragédie de leur vie ; ils réalisaien­t leur vie à travers celle de leur petit-fils dont ils s’occupaient toutes les semaines ; on leur a enlevé leur quotidien, leur cadre de vie ! » .

Un homicide « involontai­re » ?

« On peut s’interroger sur le mot « involontai­re » » s’exclame Cécile Lasfargues, vice-procureur de la République. La magistrate relève que c’est bien le prévenu lui-même qui a pris le volant, alors qu’il n’avait plus le droit de conduire, faute de points sur son permis. C’est bien, lui-même, renchérit-elle, qui s’est alcoolisé, alors que la justice lui avait rappelé qu’on ne peut boire et conduire. « C’est volontaire­ment qu’il a bu, qu’il est allé acheter de l’alcool et qu’il a pris le volant, accusant un taux d’alcoolémie trois fois supérieur au taux légal ! » scande-t-elle. « C’est bien volontaire­ment que Sellam Akim a commis tous ces actes, même si c’est involontai­rement qu’il a perdu le contrôle de son véhicule, occasionna­nt la mort de Noa et blessant la famille » . La faute apparaît pleinement caractéris­ée pour Mme Lasfargues, qui, prenant en compte le déroulemen­t des faits et la personnali­té du prévenu, requiert 8 ans de prison ferme, maintien en détention et interdicti­on de repasser le permis de conduire avant 8 ans.

« Il n’y a pas de mot pour qualifier la mort d’un enfant ! » souligne Laurent Belou, avocat de Sellam Akim. S’interrogea­nt sur le rôle de l’avocat de la défense, dans un pareil dossier, l’ancien bâtonnier, indique s’être engagé pour chercher à comprendre comment un homme intégré, qui travaille, qui a fondé une famille, qui est père d’une petite fille, peut ce soir-là, alors qu’il a bu volontaire­ment, prendre le volant volontaire­ment… Chercher à comprendre, tel est le défi de ce procès. Trouver la juste peine… L’avocat reprend le leitmotiv de sa conviction en la matière : « quand on conduit on ne boit pas ! Tolérance zéro ! » . L’avocat admet ne pas trouver de circonstan­ce qui soulage le fardeau de son client. Pour autant, il pointe du doigt la responsabi­lité de « l’ami » chez qui son client s’est rendu et où il s’est grandement alcoolisé. Il s’inter- roge sur la responsabi­lité pénale de celui qui a laissé repartir son client.

L’avocat assure que son client est prêt à purger la peine qui lui sera fixée. Pour autant, maître Belou estime que la prison ne permettra pas le travail sur lui- même que son client doit accomplir, pour reprendre pied dans la société. Dans certains pays, il y a obligation pour des condamnés à participer à des opérations de secours auprès de blessés, ce qui n’est pas le cas en France.

Finalement, quelle explicatio­n à tout cela ? La mort est là, qui vient nous surprendre, en rentrant d’une soirée heureuse en famille… Difficile de comprendre.

Sellam Akim a été condamné à 8 ans de prison avec maintien en détention. Les parties civiles sont reçues dans leurs demandes de dommages et intérêts… Le prévenu dispose de dix jours pour interjeter appel.

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Cette peine mettra-t-elle un coup d’arrêt à l’alcoolisat­ion et à l’usage des stupéfiant­s au volant ?

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