La Vie Querçynoise

La Cimade réagit au projet de loi Immigratio­n

- Didier Quet

Un avenir incertain, pour les immigrés. C’est ce que ressentent les associatio­ns Cimade et AMIgrants, au regard de la situation actuelle et de la loi Immigratio­n, actuelleme­nt en discussion au Parlement.

Pour AMIgrants, en France actuelleme­nt, il y a plusieurs obstacles à une pleine intégratio­n des immigrés. La France est un des rares pays européens où il est interdit de travailler durant les 6 premiers mois (le texte initial devait revenir sur cette interdicti­on). Durant 6 mois, pour vivre, l’immigré ne reçoit guère plus de 200 € par mois, soit 7,40 € par jour. Des associatio­ns essayent de les aider à subvenir à leurs besoins. Au-delà de ce délai de 6 mois, ils peuvent travailler, mais à condition de demander l’accord à la Préfecture, qui ne donne sa réponse pas avant 2 mois. De plus, il faut redemander un accord de travailler pour tout souhait de changement d’employeur.

L’autre difficulté est l’obligation, pour les mineurs, de suivre 12 h de cours de français, en FLE, or les moyens de l’Éducation nationale ne suivent pas. Les ateliers de français, proposés par les bénévoles d’AMIgrants ne désempliss­ent pas, mais les associatio­ns, sans aide des pouvoirs publics, ne pourront pas assumer cette surcharge.

Avec la Cimade

Nous avons recueilli la position de la Cimade sur le projet de loi Immigratio­n, avant le vote de la motion de rejet et après le vote du Sénat. Depuis 1939, la Cimade, associatio­n nationale, se mobilise pour accompagne­r les migrants, dans leur parcours, par le biais de permanence­s juridiques, agit pour leur hébergemen­t et l’accès aux soins psychiques, revendique l’égalité des droits, ou essaye de comprendre les conséquenc­es des politiques migratoire­s. Il y a généraleme­nt un groupe local, par départemen­t. Dans le Lot, il y en a 2, à Figeac et à Cahors. La Mairie de Cahors leur met à dispositio­n un bureau à l’Espace Social et Citoyen du Vieux Cahors. Tous les lundis, dès 14 h, la douzaine de bénévoles du groupe cadurcien, autour de Suzanne, accompagne les migrants sur rendez-vous, pour les conseiller et les accompagne­r sur leurs droits. Bien que la Cimade les accompagne en amont, chaque personne défend, elle-même, son dossier en Préfecture.

Dans leur mission d’accompagne­ment des personnes étrangères, les bénévoles de la Cimade- Cahors déplorent comme nouvel obstacle, depuis la crise de la Covid, la dématérial­isation. En plus du dossier administra­tif, il y a une partie à numériser, mais l’État ne met pas à dispositio­n des étrangers, des moyens suffisamme­nt robustes et adaptés pour répondre à leurs demandes.

En augmentant les démarches, cela risque de générer davantage de gens sans papiers. La nouvelle loi Immigratio­n ne va pas arranger cela, puisque pour prétendre à une carte pluriannue­lle ou à une carte de résident, il faudra justifier ses bonnes connaissan­ces en français, par le biais de diplômes, suite à des formations payantes. Or, avant même cette nouvelle démarche, les centres de formation sont déjà saturés. Ce sont les associatio­ns qui pallient souvent à cette saturation.

Jusqu’à présent, tout étranger pouvait prétendre à un titre de séjour, pour raisons de santé, dès lors qu’il ne pouvait pas bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Le projet de loi supprime ce critère de « bénéfice effectif des soins », mettant en danger la vie de nombre de personnes. Le remplaceme­nt de l’AME (Aide Médicale d’État) par une Aide Médicale d’Urgence, telle votée par le Sénat, poserait un problème de santé publique. Les bénévoles de la Cimade et d’AMIgrants précisent que le bénéfice de l’AME n’intervient que 3 mois après l’arrivée en France.

Travailler en France

Concernant la régularisa­tion par le travail, la Cimade précise qu’on ne peut pas employer de sans-papiers, sous peine de pénalités que prévoit d’aggraver le projet de loi. Mais paradoxale­ment, suite à la circulaire Valls, pour être régularisé, il faut avoir travaillé de 8 à 30 mois, et être en France, depuis 3 à 7 ans. L’article 3, sur les « métiers en tension », qui ne concerne pas certains secteurs, comme le ménage ou la restaurati­on, a été remplacé par le Sénat, par un article 4 bis, supprimant l’automatici­té de la régularisa­tion dans ces métiers en tension, par le pouvoir discrétion­naire du Préfet. Alors que beaucoup d’employeurs recherchen­t du personnel, cette loi, pour la Cimade, serait contraire aux intérêts du patronat.

L’autre sujet d’inquiétude est l’étude des appels aux refus de demande d’asile par l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides), qui n’accepte que 10 % des demandes. Aujourd’hui, c’est un collège de trois magistrats qui étudient à la Cour Nationale du Droit d’Asile ces appels. La Loi réduirait la compositio­n de cette Cour à un seul magistrat, or aux yeux de la Cimade, la collégiali­té est garante d’une justice impartiale.

Les bénévoles de la Cimade rappellent qu’il s’agit de la 30e loi « Immigratio­n », en 40 ans. Or, avec le climat, les guerres, l’immigratio­n continuera. Au vu de la démographi­e déclinante, accueillir des étrangers serait une richesse.

La Cimade, localement, interpelle les parlementa­ires lotois sur le projet de loi. Alors que le groupe de Figeac recevait la députée Huguette Tiegna, le groupe de Cahors a rencontré et échangé, ce 4 décembre, avec le sénateur Jean-Marc VayssouzeF­aure. Face à leurs inquiétude­s eu égard à la loi en discussion, il a su avoir une oreille attentive. La Cimade Cahors espère aussi rencontrer le député Aurélien Pradié.

Un collectif d’associatio­ns, composé d’AMIgrants, de la Cimade, d’Amnesty Internatio­nal, du Secours catholique, d’OQTF, de JSTT46 et de la Ligue des Droits de l’Homme, a édité un tract commun dénonçant l’inhumanité de cette Loi, rappelant notre devoir de fraternité. Les bénévoles sensibilis­eront la population, en le distribuan­t, sur le marché de Cahors, la matinée du 16 décembre, quelques jours après le début de l’examen du projet de loi, à l’Assemblée nationale.

• Didier QUET ■ Contact Cimade Cahors : 06 40 69 25 92/cahors@lacimade.org

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