Gabriel Elbaz Kercoff, un artiste aux créations à couper le souffle
Qui est Gabriel Elbaz ? Cet artiste de notoriété internationale installé à Latouille-Lentillac. Son installation dans le Lot, à Latouille-Lentillac, une histoire improbable. Presque à son insu, une vision créatrice s’impose dans ses jeunes années, sans qu
Gabriel Elbaz Kercoff habite la commune de Latouille-Lentillac ; il présente quelques-unes de ses créations, dans l’ancien Magasin Universel de Latronquière devenu « musée Gabriel » : des oeuvres magistrales...
C’était le Magasin Universel de Latronquière. Un grand bâtiment qui, pendant de longues années, était en quelque sorte le « BHV » du village : façade imposante, larges vitrines, deux niveaux, regorgeant d’une multitude d’articles divers. Un lieu incontournable qui a forcément vu passer toute la population locale au cours d’une longue période d’activité dont la plus grande vitalité dans les années 50-60. Puis, délaissé, presque oublié, il a aujourd’hui retrouvé une seconde vie par la volonté farouche d’un sculpteur : Gabriel Elbaz.
De la Normandie au Lot, jusqu’à LatouilleLentillac
Gabriel ; une vie trépidante depuis ce 29 octobre 1948 où il est venu au monde, en Normandie.
Essentiellement élevé par sa mère puisqu’il perd son père à l’âge de 5 ans. Une mère protectrice, orthodoxe de par ses origines russes, puis catholique lorsque son fils atteint l’âge des 12 ans. Elle élève Gabriel dans une éducation de pratique religieuse qui laissera une profonde empreinte dans le vécu de son fils. En fait, presque à son insu, une vision créatrice s’impose dans ses jeunes années, sans qu’il en prenne pleinement conscience en même temps que conquis et façonné par le charme de la nature champêtre du Pays d’Auge. La foi sans faille de sa mère le conduit dans le cheminement spirituel de sa religion à travers les visites des plus belles cathédrales et à la révélation de leurs trésors artistiques : Chartres, Amiens, Saint-Denis... avec une éducation appuyée à l’observation des sculptures, des vitraux, toute une imprégnation mystique qui restera gravée dans l’esprit de l’enfant. Une telle éducation influencée par le sacré l’orientera naturellement vers la sculpture chrétienne qui se révèlera quelques années plus tard. Gabriel ne suivra pas une scolarité de longue haleine. Trop indépendant et avide de liberté, il veut dépasser le pesant ennui de l’école et échapper aux exigences de longues études. Il passe son certificat d’Études et répondant à l’attirance qu’il a toujours eue pour le bois, prépare, puis obtient un CAP d’ébéniste. Dans la foulée, il commence son apprentissage.
S’en suivent des années à se former ainsi qu’à se chercher, sept années essentiellement à Paris. Grâce à son diplôme d’ébéniste, il pratique divers petits métiers dans l’ameublement, souvent par intérim. Rencontre avec la musique par le biais de la trompette qui l’autorisera à un service militaire adouci « en fanfare ». À cette même époque, les événements de mai 68 bousculent ses premières habitudes de vie, l’exaltent en même temps qu’ils allument chez lui comme chez beaucoup d’autres jeunes des envies de changement, des élans d’aspirations nouvelles, de découvertes.
En 1970, il embarque un copain dans sa 2cv fourgonnette et rejoint... Auroville en Inde ( près de Pondichéry ) après un périple routier de plus d’un mois. Auroville : cité nouvelle, creuset d’utopies, de rêves de paix et d’harmonie universelle. Une expérience forte, inoubliable, qu’il abandonnera cependant, ne se sentant pas suffisamment en phase avec cet état d’esprit. Après plusieurs mois, il retourne en France. Et c’est à son retour et après un temps de recherche, qu’il découvre Latouille-Lentillac. Le lieu de vie qu’il espérait, loin des agitations et des encombrements. Entre Latouille et Lentillac, à mi-pente, une ancienne maison de caractère à restaurer : de la pierre, des bois tout autour, un ruisseau en contrebas et là, devant, à perte de vue, un paysage adouci de collines en cascades.
Une vocation tournée vers la sculpture
Sur plusieurs années, Gabriel restaure la maison dans laquelle il réalise beaucoup lui-même, se marie, a deux enfants et, dans le prolongement des travaux, crée un bel atelier au sous-sol, dans l’ancienne étable. C’est alors que commence l’aventure bois ! D’abord, c’est l’ébéniste qui s’exprime à travers nombre de restaurations de meubles. Il affine ses gestes, enrichit son expérience, se fait connaître. Mais bientôt, rattrapé par l’imprégnation profonde de son éducation orientée vers le sacré, il ne peut échapper à l’envie de sculpter et c’est ainsi que naît la première oeuvre : « La Femme lotus » inspirée certainement par son voyage en Inde. Encouragé par les appréciations, Gabriel poursuit et, pendant des années, se lance dans une boulimie de créations. Sous ses outils, les fûts noueux et rugueux des noyers prennent vie. Dégrossis à la tronçonneuse, puis taillés à la gouge, ils sont ensuite polis, cirés, parfois patinés à la terre de Sienne. Autant de gestes assurés, héritage d’une maîtrise acquise au cours de ses années d’apprentissage et de restauration de meubles. Autant d’heures passées, absorbé par son inspiration, soutenu par les oratorios de Bach, éclats de notes sur éclats de bois...
Infatigable et acharné, le sculpteur poursuit son oeuvre toujours impulsée par l’influence du « ciel ». Le ciel vers lequel nombre de ses personnages tendent les bras, lèvent la tête ou, par opposition, se tournent tout entier vers la terre lorsque vaincus par le désespoir, comme dans « la Mise au tombeau ».
Sculptures impressionnantes, dépassant souvent deux mètres de hauteur dont l’abstraction des formes correspond à la pensée créatrice et permet de concilier les croyances divergentes. Elles sont maintenant plus de cinquante dispersées çà et là. La plupart encore dans la grange d’exposition chez lui, au Tillet, d’autres au « musée Gabriel » de Latronquière ou en exposition prolongée à Conques, à l’Hôtel de Région de Toulouse, ou revenues de Vézelay, de Moissac, du Grand Palais et d’ailleurs...
Gabriel Elbaz Kercoff continue de nous surprendre
L’aboutissement de ce musée à Latronquière lui a demandé six ans de travail. Une entreprise gigantesque pour un homme, un défi à l’échelle de ses oeuvres. Le village, un peu à l’écart des événements artistiques, est maintenant doté d’un lieu d’expression culturelle qui, au-delà des oeuvres de son créateur reçoit et recevra diverses expositions temporaires. Tout doucement Latronquière adopte le concept. Les derniers vernissages suscitent plus d’intérêt. Bientôt, les réalisations plastiques des élèves du village pourront aussi trouver place dans l’espace de ce musée local. Alors, certainement, peu à peu, cette réalisation nouvelle prendra du sens et donnera raison à son créateur qui lui, a déjà les yeux tournés vers de nouvelles inspirations attachées à la Perse antique mystérieuse, traversée il y a des années, dans sa quête d’aventures de jeunesse.
Le lieu de vie qu’il espérait, loin des agitations et des encombrements, entre Latouille et Lentillac, à mi-pente, une ancienne maison de caractère à restaurer...
À 75 ans, Gabriel Elbaz Kercoff prolonge sa quête artistique. Ni la taille laborieuse des grandes pièces de bois, ni l’énergie fournie à la réalisation de son musée n’ont altéré ses pulsions créatrices. Il poursuit, serein, déterminé, la quête de l’esthétique sacrée qui réunit plus que jamais imaginaire de l’enfance et fantasmes de l’artiste. Il est convaincu que dans les périodes troubles que nous traversons, la contemplation artistique ne peut qu’apaiser le pessimisme ambiant. Lorsque les hommes auront épuisé toutes formes de réconciliation, l’art sera peutêtre alors le seul langage universel capable de les rapprocher. Et Gabriel s’y emploie.
• C. D