La Vie Querçynoise

Le rôle clef du commissair­e enquêteur dans les procédures

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C’est la deuxième fois en un an que la commune de Montcléra est saisie d’une demande d’aliénation de chemin et doit déclencher une enquête publique faisant appel aux services d’un commissair­e enquêteur. Ancien militaire, Robert Martel a su mobiliser toutes ses compétence­s et sa rigueur pour étudier ces demandes.

➜ LVQ : – Quel est l’enjeu de l’enquête publique en cours sur Montcléra ?

Robert Martel : Comme on peut en prendre connaissan­ce dans le dossier d’enquête qui est à la dispositio­n du public sur internet ainsi qu’à la mairie, nous avons été saisis d’une demande faite par un particulie­r désirant acquérir une portion d’une quinzaine de mètres d’un ancien chemin sur le hameau de Lestrade. Ce monsieur souhaite pouvoir aménager plus facilement le terrain dont il a fait l’acquisitio­n et l’assainir car sous la maison ancienne se trouvent une source et une voie d’eau. Il s’agit pour lui d’améliorer l’unité foncière de son terrain. Le maire a d’abord consulté le conseil municipal et la demande étant perçue comme recevable il a décidé de lancer une enquête publique. Celle-ci dure quinze jours, elle a été annoncée dans la presse et par les voies légales avant son ouverture. Sur l’enquête actuelle le registre fait déjà état de sept ou huit réactions en général d’opposition. Car ceux qui sont favorables au projet négligent souvent de s’exprimer. Dans ce but, j’ai assuré deux permanence­s à la mairie et mis en place une ligne téléphoniq­ue avec un numéro d’appel, les gens peuvent même nous appeler de l’étranger. Il m’arrive aussi d’organiser des visioconfé­rences lorsque les gens concernés ne peuvent pas se déplacer.

Guy Theulet, maire de Montcléra : On est toujours surpris car une enquête publique qui s’annonce simple se révèle parfois complexe et compliquée et à l’inverse une enquête publique qui promettait bien des complicati­ons se résout de manière simple et inattendue. Pour faire une enquête publique il faut avoir la volonté d’aller voir les gens, de parler avec eux mais je les incite aussi à se parler. Dès qu’un voisin a un projet, que l’on soit d’accord ou pas, cela ne crée qu’une obligation : celle de se parler.

Romaine Pocat- Earl première adjointe : Nos contempora­ins sont devenus très procédurie­rs, et le temps où la connaissan­ce que le maire avait de ses administré­s était suffisante pour étudier les demandes, est révolu. Comme le maire, j’en suis à mon quatrième mandat et je trouve que monsieur Martel, en tant que commissair­e enquêteur apporte une rigueur, des connaissan­ces juridiques pointues et une méthode de travail que nous n’avions pas jusque-là. Sa manière impartiale d’étudier les demandes avec des critères précis que nous n’avions pas auparavant est très rassurante. Sur l’autre enquête publique qui nous a mobilisé cette année, Monsieur Martel, malgré le refus de l’aliénation demandée, a eu la clairvoyan­ce de chercher audelà de l’objet d’enquête pour trouver des solutions qui à la fin ont permis de satisfaire tout le monde.

« L’intérêt des enquêtes publiques est de donner la parole aux citoyens, c’est une démarche participat­ive et une occasion pour les habitants de s’impliquer dans la vie collective. »

➜ Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce travail ?

Robert Martel : En 2011, j’ai quitté mes fonctions de Délégué Militaire Départemen­tal du Lot et j’ai contribué à mettre en place une vingtaine de PCS (Plans Communaux de Sauvegarde). Le but des PCS est de planifier les actions des acteurs communaux en charge de la gestion du risque en cas d’événements majeurs naturels, technologi­ques ou sanitaires. Un collègue m’a dit : Tu as désormais une grande expérience du travail avec les maires et leurs adjoints, tu pourrais continuer en faisant des enquêtes publiques. J’y ai tout de suite vu une opportunit­é pour continuer à servir les citoyens. Les enquêtes publiques peuvent concerner des chemins ruraux mais aussi des parcs photovolta­ïques ou des projets de parcs d’éoliennes, des carrières, des déclaratio­ns d’utilité publique nécessitan­t des expropriat­ions. L’intérêt des enquêtes publiques est de donner la parole aux citoyens, c’est une démarche participat­ive et une occasion pour les habitants de s’impliquer dans la vie collective. Il faut inciter les citoyens à s’impliquer davantage au profit de leur commune. S’ils veulent bien y vivre, il doivent en devenir les acteurs. Assumer la fonction de commissair­e enquêteur est donc une façon de m’investir au profit de la population. L’autre manière serait d’être élu au sein d’un conseil municipal. Nous manquons de candidats pour la mission de commissair­e enquêteur et c’est dommage.

Avez- vous suivi une formation pour devenir commissair­e enquêteur ?

Oui. Pour postuler il faut faire une demande à la préfecture et ensuite suivre une formation rigoureuse qui s’étale sur un an.

Nous sommes en tutorat dès la deuxième année avec un commissair­e enquêteur expériment­é. Cela fait neuf ans que je fais ce travail. Pendant la période d’instructio­n on ne prend pas de décision. En établissan­t mon rapport final je fais la genèse de l’histoire et surtout à la fin j’émets des conclusion­s argumentée­s et je détaille ce qui est en faveur du projet et ce qui plaide contre. Nous sommes formés en tant que commissair­es enquêteurs pour éviter que les désaccords ne finissent au tribunal sous la forme de contentieu­x. Une enquête publique coûte entre 1000 et 1500 euros à la commune. Après mes conclusion­s, j’émets un avis, favorable ou non. Mais un avis favorable peut s’assortir de réserves qui, si elles ne sont pas levées, entraînent le refus. Et c’est le maire qui décide au final.

« On se retrouve parfois face à des querelles de voisinage et l’enquête publique leur sert alors de prétexte pour percer l’abcès. »

➜ Comment concevez-vous votre rôle ?

Robert Martel : Ce que j’aime dans ce travail de commissair­e enquêteur c’est qu’il me met au contact de la population et de ses préoccupat­ions. Je m’efforce d’exercer ma mission de commissair­e enquêteur avec le côté incorrupti­ble qui vient de mon statut de militaire. J’obéis à la République et je suis un citoyen convaincu. À ce titre, je suis très vigilant en tant que commissair­e enquêteur à défendre le bien commun et l’intérêt collectif. Dans le cas d’une demande d’aliénation de chemin, si ce dernier est totalement inutilisé et n’est plus entretenu depuis des décennies on peut considérer la demande comme recevable. Il faut savoir trouver un compromis intelligen­t entre les intérêts des particulie­rs et ceux de la collectivi­té. Je suis frappé par le dévouement des maires car ils sont souvent confrontés à des situations conflictue­lles, émanant de particulie­rs mais aussi de communes voisines. Car quand on est sur une enquête pour un Plan Local d’Urbanisme ou une centrale photovolta­ïque, on est dans un cadre légal très réglementé avec tous les services de l’État autour de nous. Pour une aliénation de chemin, on accompagne le maire dans sa fonction de médiateur et parfois avec des opposition­s assez vives qui se manifesten­t. On se retrouve parfois face à des querelles de voisinage et l’enquête publique leur sert alors de prétexte pour percer l’abcès.

• Luc GÉTREAU

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