La Vie Querçynoise

Tous paysans ?

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Commençons ce papier par une référence ancienne, celle de l’Histoire de nomades, Roms, qui issus du nord de l’Inde utilisent une langue indo-européenne (comme la nôtre) et nomment tous ceux qui ne sont pas Roms, c’est-à-dire tous les sédentaire­s… « les paysans ». Cette anecdote montre une fois de plus que nos liens avec le monde paysan ne sont pas une vue de l’esprit mais que nous sommes bien tous issus de ce monde-là. Pourtant cet héritage n’est pas toujours assumé par notre société urbaine qui cherche, mode après mode, d’autres références plus lointaines et, soi-disant, plus modernes. Un certain clivage entre génération­s accentue cette coupure entre ceux qui se croient obligés de pratiquer un jeunisme permanent et un monde rural enraciné dans son travail et ses valeurs. En d’autres termes, Mai 1968 puis l’explosion des médias audio-visuels et d’internet ont permis la victoire culturelle du jeune urbain qui pense pouvoir aujourd’hui fixer toutes les normes.

Pourtant du monde rural d’hier, il reste encore beaucoup de belles et utiles choses. Des centaines de milliers d’exploitati­ons agricoles, de très beaux produits, des paysages variés et des forêts entretenus, de très nombreux chemins de remembreme­nt ou de randonnée, des foires et des marchés importants permanents ou saisonnier­s en ville comme à la campagne, un Salon de l’agricultur­e annuel dont la publicité n’est plus à faire... Il demeure également l’expression d’une culture rurale liée aujourd’hui au tourisme dit vert, et une nouvelle ruralité fabriquée par et pour les citadins : le jardinage, les décoration­s végétales, une passion française pour les fleurs et autres. Néanmoins, au-delà de tout ce monde matériel que nous y trouvons, l’expression de la ruralité française est utile à notre réflexion collective. Il y a, dans ce monde-là, des attitudes dont nous sommes redevables : la lenteur de ceux qui suivent le rythme de la nature et agissent uniquement quand il le faut ; le silence de ceux qui parlent peu ; un goût pour le patrimoine transmis et donc pour l’enracineme­nt. C’est peut-être pour tout cela que chez beaucoup d’entre nous, il y a un regret et une nostalgie lancinante de ce monde-là.

En ce début d’année 2024, le monde agricole subit une nouvelle poussée de fièvre, dans notre Région en particulie­r, dont les médias nationaux et le monde politique commencent enfin à s’emparer. Si le néophyte que je suis sur ces questions ne saurait faire la part des choses et des responsabi­lités en la matière, il paraît essentiel de démontrer l’importance de ce patrimoine rural par quelques questions : n’est-ce pas un bienfait sans prix que de pouvoir accéder à une alimentati­on variée et suffisante alors que les génération­s passées ont souvent souffert de sous-nutrition ou de manque ? Cette production agricole de qualité et en particulie­r celle de nourriture n’est-elle pas une activité bien plus noble que beaucoup d’autres qui assouvisse­nt nos besoins contempora­ins ? Plus largement et pour revenir aux questions culturelle­s et à la modernité, n’existe-t-il pas déjà des liens entre notre agricultur­e aujourd’hui et les impératifs écologique­s et sanitaires ? Les réponses évidentes à ces questions impliquent donc que trouver des solutions à la crise actuelle n’est pas une option mais une obligation.

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