La Vie Querçynoise

Nous sommes tous paysans

- André Décup

Plus de 80 % des Français soutiennen­t cette France rurale

organisati­on journalièr­e face aux contrainte­s d’une entreprise. Ce qui n’est pas négligeabl­e dans l’attractivi­té du métier. Et au fil des mois, j’ai trouvé que travailler dans ce secteur donnait du sens. Ce qui est l’une des clés pour surmonter les moments difficiles.

➜ Comment vous définiriez-vous ?

J’élève des vaches laitières. Au mot d’agriculteu­r, j’ai un faible pour le mot de paysan qui prend en compte les notions de paysages et de pays. Tous « les pays » de France ont leur spécificit­é et je suis très bien partout.

Chaque jour davantage, au lieu d’oeuvrer dans un monde bureautiqu­e, je m’inscris dans « mon bureau de prairies » de 80 hectares où je veux continuer d’exercer ce métier d’éleveur. Travailler dans ces conditions devient même un plaisir.

➜ Votre vie profession­nelle est de plus en plus difficile. Quel en est pour vous le point noir ?

C’est bien qu’on parle des agriculteu­rs 24 h/24 pendant les journées de manifestat­ions, mais travailler pour nourrir la France devient de plus en plus compliqué. Même s’il faut que chacun garde en mémoire qu’un agriculteu­r fait vivre dix autres Français.

La technicité augmente. L’agriculteu­r doit aussi être mécanicien, comptable, conseiller stratégiqu­e, paysagiste et surtout gestionnai­re. Ce dernier gros morceau est dû aux normes administra­tives exigées par l’environnem­ent.

➜ « Vos vaches polluent. Il faut manger moins de viande » entendez-vous. Comment lutter face à pareilles critiques ?

Arrêtons d’abord d’importer des vaches du Brésil avant de critiquer l’élevage français ! Si l’on veut entretenir les paysages, il faut que des bovins broutent. Et j’aime bien cette maxime personnell­e : la vache est l’avenir de l’homme. Elle valorise l’herbe et les prairies qui construise­nt nos paysages.

La vache a toute sa place dans la lutte climatique. L’écologie a besoin des ruminants.

➜ Les politiques sont moins sensibles à vos problèmes. Pourquoi portentils moins d’intérêt aux agriculteu­rs ?

Les agriculteu­rs, étant moins nombreux qu’il y a 20 ou 30 ans, on pèse beaucoup moins électorale­ment parlant sur ceux qui nous gouvernent. Même si les Français nous comprennen­t, nous soutiennen­t ou manifesten­t toujours un attachemen­t à la terre.

➜ Avez-vous connu des agriculteu­rs qui dans la solitude, en sont arrivés au désespoir ?

Quand un paysan n’y arrive pas, il le vit très mal. Pas loin d’ici, un éleveur-laitier s’est suicidé à cause des contrainte­s qui l’étouffaien­t par une surcharge de travail et sans possibilit­é de pause. À cause d’une trésorerie trop fragile. L’épouse qui a dû prendre la suite pour vivre, a enduré de lourdes souffrance­s.

➜ Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?

L’homme travaille la terre depuis 15 000 ans. Demain, on sera en capacité de s’adapter par des installati­ons hors-cadres. Je veux dire par des venues de familles non-issues du monde agricole.

S’installer agriculteu­r n’est pas possible pour tout le monde.

➜ L’atout de votre vie est la proximité de la nature, l’air pur et le calme. En reconnaiss­ez-vous les bienfaits ?

C’est vrai, la proximité avec la nature est notre chance. Tout le monde ne peut pas avoir un cadre de vie de 80 hectares ! Je trouve du plaisir à m’occuper chaque jour de mes bêtes.

Devant un beau lever du soleil même à moins 8 degrés (nous sommes à 800 m d’altitude) je suis bien. Je ne peux rester insensible devant une nuit étoilée remplie de lumière. Comme je suis heureux après la naissance de chaque petit veau.

➜ On sent que tous les deux vous aimez votre métier. Comment l’exprimerie­z-vous ?

Si on n’a pas de passion pour un métier comme le nôtre, on ne le choisit pas. Nourrir les autres, c’est même une vocation. Il faut que l’agriculteu­r soit fier de ce qu’il fait pour les autres. Ce qui devrait entraîner quelque reconnaiss­ance mise à mal aujourd’hui par le consommate­ur et surtout par la grande distributi­on.

• André DÉCUP

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