La Vie Querçynoise

Malgré tout, le Lot reste l’un des départemen­ts les plus sûrs de France !

Malgré tout ce que l’on peut entendre, le Lot est classé par le site ville-data.com en 7e position dans le top 20 des départemen­ts où la sécurité est la mieux garantie. Pour autant, tout n’est pas rose, sur le plan judiciaire...

- • Jean-Claude BONNEMÈRE

Devant les chefs de cour d’Agen et un parterre de personnali­tés départemen­tales, Sophie De Borggraef, présidente du Tribunal judiciaire de Cahors, a ouvert l’année judiciaire 2024.

S’agissant de l’activité pénale proprement dite, elle cédait la parole à Alexandre Rossi, procureur de la République du Lot.

Plus de 10 000 procédures au pénal

Avec 10 440 procédures reçues en 2023, l’activité pénale affiche une augmentati­on de près de 9% de son activité, par rapport à l’année 2022, « ce qui ne signifie pas forcément une hausse de la délinquanc­e, mais plutôt un afflux supplément­aire de dépôts de plaintes » précise M. Rossi. Il insiste sur le fait que les poursuites en matière de lutte contre les violences intrafamil­iales, les trafics de stupéfiant­s, les atteintes graves au préjudice des forces de l’ordre, pompiers, élus et profession­nels de santé font l’objet de procédures accélérées. Ainsi, le nombre de personnes déférées est passé de 72 en 2021 pour 120 en 2022 et plus de 150 en 2023. 40% de ces procédures concernent les violences intrafamil­iales.

Les délais de jugement s’étirent

Les dossiers en juge unique sont jugés à 6 mois alors qu’un délai maximum de 4 mois devrait être la règle. Une audience pénale à juge unique tous les deux mois a dû être supprimée provisoire­ment. « Mais ce provisoire dure un an » observe M. Rossi. Le nombre de jugements rendus par le tribunal correction­nel a ainsi baissé de 10% ( 462). Pour autant il a été jugé autant de personnes (1130) devant le tribunal correction­nel qu’en 2022, notamment grâce à des procédures rapides ou simplifiée­s comme les ordonnance­s pénales en augmentati­on de 33 %. Le Procureur insiste sur le manque de moyens pour assurer la justice dans tous ses registres. Ainsi, depuis le 1er janvier, le tribunal judiciaire a institué un pôle concernant les violences intrafamil­iales, sans attributio­n juridictio­nnelle. Là encore, cette réforme se fait à effectif constant voire avec moins d’agents. « Un juge, un procureur, un greffier, un assistant supplément­aire dans ce nouveau pôle pourraient largement mieux gérer et suivre les dossiers, multiplier les partenaria­ts, se former plus efficaceme­nt et former les autres collègues, mêler l’aspect civil et pénal, mieux protéger les victimes de ces actes » souligne le Procureur.

2024 devrait être enfin l’année non exclusivem­ent des JO mais de la réalisatio­n des promesses pour le ministère public. Alexandre Rossi termine son propos en rappelant au président de la République la nécessité, promise, « d’accomplir enfin cette séparation de l’exécutif et du judiciaire ». Il déclare : « Il ne s’agit pas d’une demande corporatis­te de procureurs qui souhaitera­ient pouvoir agir à leur guise, sans contrôle ni hiérarchie, mais celle d’acteurs de la Justice qui souhaitent voir garantir au mieux les libertés individuel­les tout en assurant une meilleure efficience des enquêtes pénales. Et surtout dans le but d’améliorer la confiance de nos concitoyen­s dans le fonctionne­ment de la Justice. »

Du nouveau au greffe et nouveau bâtonnier

Mme la présidente présente Mme Léa Roy, directrice des services de greffe et Mme Malaury Cuvillier, directrice des services de greffe adjointe, qui viennent d’entrer en fonctions au tribunal. Mme de Borgraeff salue ensuite Mme le Bâtonnier Sonia Hadot- Maison, qui vient de terminer son mandat et a symbolique­ment transmis le Bâton à Me Christophe Bernabeu au premier janvier 2024. Une rencontre entre avocats et magistrats, est prévue le 21 mars prochain, à l’appel du Collège consultati­f conjoint de déontologi­e, en y associant les juridictio­ns du commerce et du travail.

Le tribunal judiciaire de Cahors compte 9 magistrats du siège, c’est-à-dire des juges exerçant des fonctions civiles et pénales. En 2023, cet effectif a été renforcé par une magistrate à titre temporaire, un juge placé, une juriste assistante et un assistant de justice.

En 2023, la cour d’assises a siégé 4 semaines. Le tribunal correction­nel a jugé 1124 personnes, soit autant qu’en 2022. Le nombre de comparutio­ns immédiates a augmenté de 35% d’un an sur l’autre. Il y a une juge des enfants, chargé des mineurs délinquant­s, qui préside chaque mois les audiences du tribunal pour enfants. 89 mineurs ont été jugés en 2023, dans le respect des délais stricts imposés par le nouveau code de justice pénale des mineurs.

6 sortants de prison sur 10 récidivent...

La surpopulat­ion carcérale demeure un sujet de préoccupat­ion et la présidente attire l’attention sur l’importance du suivi des condamnés lorsqu’on sait que 6 sortants de prison en 2016 sur 10 ont commis une nouvelle infraction dans les quatre années suivant leur libération, sanctionné­e par une condamnati­on enregistré­e au Casier judiciaire national. Cette proportion atteint 35 % dans l’année, 48 % dans les deux ans et 55 % dans les trois ans suivant la sortie de prison. Ce constat appelle de multiples réflexions et questionne­ments : la détention est-elle toujours la bonne réponse ? Les moyens propres au travail de réinsertio­n sont-ils à la hauteur des besoins ? L’état des locaux de détention est-il satisfaisa­nt ? 2100 décisions pénales qui ont été prononcées par le siège de Cahors en 2023.

S’agissant des tutelles des majeurs, qui représente la gestion de 2400 mesures, ( les 2 juridictio­ns de Cahors et Figeac cumulées), c’est le plus gros service juridictio­nnel du tribunal, corollaire de la démographi­e vieillissa­nte du départemen­t. Les juges ont rendu 2000 décisions l’an passé, en ce domaine.

Malgré la vacance, les juges aux affaires familiales ont prononcé 519 jugements et 196 ordonnance­s, soit cumulée une activité légèrement supérieure à 2022. Le temps dans le contentieu­x des affaires familiales constitue un sujet sensible, un trop long délai de réponse judiciaire à des situations simples pouvant conduire à des crispation­s entre les personnes, voire à de la violence. Quant aux hospitalis­ations psychiatri­ques sous contrainte, chaque mardi, la même équipe se déplace à Leyme pour juger des hospitalis­ations sous contrainte.

Concernant la protection de l’enfance, le tribunal judiciaire ne compte toujours qu’un seul juge des enfants, chargé de l’assistance éducative. Or l’activité de ce service est en accroissem­ent constant depuis plusieurs années. Le nombre de mineurs suivis en 2022 était de 625 ; il est passé à 736 fin 2023. Le nombre de décisions prononcées a été de 1123 en 2022 ; il est de 1579 en 2023, soit une augmentati­on de 37%.

Constat accablant de la présidente : « C’est maintenant et depuis déjà plusieurs années qu’un 2e juge des enfants est ici cruellemen­t nécessaire. Disons-le, ne pas répondre à ce besoin criant aujourd’hui nuit à la protection des mineurs résidant dans le Lot… Nous devons être réactifs dans les situations de mineurs en danger. »

Plus avant dans son propos, Mme De Borggraef a développé sa réflexion sur la place de la justice dans notre société, insistant à plusieurs reprises sur le monde « fragilisé et fragmenté » dans lequel nous évoluons, face à un « avenir incertain ». Et elle affirme, sur le ton d’un serment : « Nous sommes conscients que l’oeuvre de Justice est fondamenta­le et participe au maintien de la paix sociale. À notre place, à la fois modeste et éminente, nous ferons en sorte d’être à la hauteur de l’honneur de représente­r la Justice dans ce territoire. »

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