La Vie Querçynoise

PORTRAIT DU MAIRE.

- C. INGALLS

Alain Lalabarde est depuis dix ans premier magistrat de la commune unifiée de Montcuqen-Quercy-Blanc.

Il est de ces personnes que beaucoup pensent connaître par coeur tant il est présent dans la vie de ses administré­s, de par ses nombreuses missions et actions. Pourtant, peu savent ce qui se cache sous l’écharpe tricolore : le coeur d’un homme qui s’est construit par ses blessures et ses infortunes. Tel le chevalier Bayard sans peur et sans reproche, il a fait face aux coups bas de la vie.

Un enfant du canton

C’est un enfant du canton de Montcuq, né au Boulve le 15 mai 1953. De ses jeunes années, il garde des émotions mitigées, prégnantes, presque obsédantes. De celles qui forgent un caractère et une ligne de conduite. Son chemin jusqu’à l’âge adulte semble avoir été jalonné d’interdits, d’insatisfac­tions, de contrariét­és et d’adversité.

Les us et coutumes de jadis ont gravé dans sa mémoire les souvenirs de la souffrance d’une maman aimante, mais asservie aux desiderata de sa belle-famille, avec un père qui ne trouvait rien à redire à ce sujet. Plus tard, sa position de fils cadet lui interdit de reprendre la ferme familiale : c’est un rôle qui revient à l’aîné, sans discussion possible.

Alain doit partir travailler ailleurs.

Il se sent comme rejeté, cependant il en tire une leçon qui ne le quittera plus : ne pas avoir d’attachemen­t aux pierres, aux choses. Il roulera sa bosse au gré des occasions, se débrouilla­nt seul sans rien attendre des autres.

Il a une passion pour la musique, il rêve de jouer d’un instrument, mais on lui rabâche que ça ne sert à rien et personne ne l’encourage dans cette voie.

Il pense embrasser comme son père et son grand-père le métier de boulanger. Il les a souvent observés et accompagné­s au fournil, depuis son plus jeune âge. Pétrir la pâte, la façonner, évoluer au milieu de ces odeurs de farine et de pain chaud, il connaît, et cela lui semble un avenir intéressan­t.

Mais son père tombe malade de la tuberculos­e, et Alain est bien trop jeune pour reprendre la boulangeri­e : c’est son oncle qui s’en charge, et plus tard son cousin germain. Il lui faudra trouver une autre voie.

Profession­nel du bâtiment

Passionné de dessin industriel, il se destine à entrer dans une école spécialisé­e. La condition pour l’intégrer est d’effectuer une année préalable en entreprise. Et là encore la vie le dévie de ce projet par l’entremise de son oncle qui pense lui faciliter la tâche en le prenant dans son entreprise de maçonnerie. Dans cet environnem­ent, il goûte à la liberté et au bout d’un an, il doit reconnaîtr­e qu’il a été un peu trop léger : il s’est détourné des prérequis de l’école en question.

Il rentre alors dans une entreprise de restaurati­on de bâtiment, à l’âge de 18 ans, et un an plus tard il se marie et devient papa.

Comme il est vaillant, au bout de quelques années il monte sa propre entreprise et commence ainsi sa vie de profession­nel du bâtiment plâtrier qui se déroulera sans anicroche particuliè­re, avec les hauts et les bas propres à tout artisan.

Il réalise son rêve de jouer de la musique en prenant des cours de saxophone ténor et s’investit dans des bandas pendant plus de 10 ans.

Arrivé à l’aube de ses 50 ans, il a à coeur de transmettr­e ses connaissan­ces acquises tout au long de son parcours profession­nel : il passe alors une équivalenc­e pour pouvoir enseigner à l’École des Métiers de Cahors.

Il garde un souvenir attendri de cette période pour laquelle il a dû se replonger dans les livres, car il était à la fois professeur d’atelier pour la plâtrerie et le carrelage, et également de technologi­e. Montrer les techniques d’un métier que l’on connaît par coeur est une chose, tenir une classe d’élèves en est une autre.

« C’est une expérience extraordin­aire qui m’a remis en accord avec la jeunesse, il y avait une volonté d’apprendre. Ça se passait très bien avec les élèves, même si certains avaient de grosses difficulté­s, je suis heureux quand j’en croise aujourd’hui qui ont réussi. Quelques-uns ont leur propre entreprise. »

Ce poste d’enseignant, il le tiendra pendant 6 ans, jusqu’à ce que sa vie prenne une nouvelle tournure qu’il n’avait pas envisagée.

Reprise de la Mairie

Lui qui pensait couler une retraite paisible en continuant quelque temps encore à l’école de Cahors, se voit encouragé par des amis pour monter une équipe municipale afin de reprendre en main la mairie après Guy Lagarde.

S’en suivent d’âpres joutes de campagnes avec l’équipe adverse et moults rebondisse­ments.

Finalement, alors qu’il était au départ simplement inscrit sur une liste électorale, il est élu à la tête du village en 2014.

« C’est là qu’ont commencé mes embêtement­s au niveau familial. J’ai découvert le côté obscur de l’élu, celui qui fait mal, qui vous atteint personnell­ement. »

La politique, même à l’échelle d’un village, comporte son lot de méchanceté­s, de jalousies et de calomnies, qui attaquent sournoisem­ent et détruisent des vies de couple, des familles.

Les dégâts sont irrémédiab­les et le couple d’Alain malheureus­ement n’y survivra pas : un an après avoir été élu, il divorce.

« J’ai supporté par deux fois, à chacune de mes deux élections, les calomnies, les rumeurs, les ragots, qui visaient ma conjointe et moi-même. J’ai du mal à comprendre pourquoi les gens sont méchants. On peut ne pas être d’accord, pas du même avis, sans pour autant passer par des lâchetés atroces qui ont des répercussi­ons jusque sur les enfants. »

Pour autant, Alain persévère dans sa mission d’élu.

« Démissionn­er de la mairie n’aurait servi à rien, ça n’aurait pas fait revenir ma femme. Il faut avoir la capacité d’évacuer pour se reconstrui­re, et se concentrer sur ce pour quoi on a été élu ».

Et puis Alain n’est pas homme à abandonner lorsqu’il se lance. Il a à coeur de mettre son énergie au service de sa commune. D’autant plus que les méchanceté­s sont une minorité, et la fonction d’élu lui permet de faire bouger les choses.

« Ce que je mets en place, c’est pour le village, moi je ne suis que de passage. Heureuseme­nt, j’ai le soutien de mon conseil municipal. Et les secrétaire­s de mairie font un travail indispensa­ble, sans elles, un élu n’est rien. »

C’est d’ailleurs un message qu’Alain a tenté de faire passer auprès du président du sénat Gérard Larcher : il faudrait selon lui une école des maires, pour former les élus. « On est propulsés à la tête d’une commune avec un pouvoir, un budget et des responsabi­lités inimaginab­les sans rien connaître. On est responsabl­es de choses que l’on ne connaît pas et d’une complexité épouvantab­le.

Un homme proche des gens

On lui reconnaît des qualités humaines et des valeurs : la sincérité, la ténacité, l’honnêteté, et puis il n’est pas rancunier, et surtout, il est toujours ouvert à la discussion. « Je ne dis pas oui à tout, mais lorsque je dis non, j’explique pourquoi » .

Il a aussi une émotivité qui peut aller jusqu’aux larmes et dont il ne se cache pas. « Ça peut être vu comme une faiblesse » concède-t-il. C’est surtout une marque d’humanité et d’empathie, à des années-lumière des politiques des hautes sphères. Alain est proche des gens, c’est un homme qui reste tel qu’il est, même lorsqu’il porte sur l’épaule l’écharpe tricolore.

Dans sa vie privée, Alain a une passion : la moto. Contrairem­ent à la célèbre chanson qui prétend qu’on ne reconnaît plus personne en Harley-Davidson, c’est un plaisir et un sentiment de liberté qu’il adore partager avec sa compagne, avec des amis, des copains.

« J’ai l’angoisse des vacances trop organisées, réservées à l’avance. Avec la moto, j’aime cet esprit de liberté, partir sans savoir où, en Espagne, en Bretagne, dans le Vercors, en Corse, c’est fabuleux ! »

Et pour parfaire ce sentiment de plénitude, un air de reggae dans les oreilles et le voilà aux anges. « Je suis un très grand fan de Bob Marley, d’ailleurs le jour de mes obsèques, ça va détonner, car ce sera cette musique qui me suivra ! » dit-il avec un sourire amusé.

Lorsqu’on lui demande où il se voit dans 10 ans, il est très clair et déterminé : « J’aime l’authentici­té de Montcuq, les gens, tout ce qu’il se passe au village. Pour autant, je ne m’interdis pas de partir d’ici, dans 10 ans je ne serai peutêtre plus à Montcuq. J’ai donné beaucoup aux autres durant deux mandats d’élu, et je l’ai fait avec grand plaisir. Je ne sais pas encore si je me présentera­i pour un troisième. Je vais aussi penser un peu à moi, et à ma vie sentimenta­le. C’est ce qui prime à présent. Ma vie personnell­e prendra le dessus sur tout le reste. L’amour guidera mes projets » . Que souhaiter de plus beau à un être humain ? Voilà un juste retour des choses pour celui qui, par ses fonctions, a uni des dizaines de couples durant toute une décennie.

• Cécile INGALLS

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