Vers plus ou moins d’humanité ?
Pas un jour ne passe sans un nouveau drame, disparition d’enfants, adolescents tués dans de véritables guets-apens, présence de plus en plus visible d’une délinquance désinhibée et de trafics en tout genre. De quoi largement désespérer en quelque sorte. Pourtant, pas un jour ne passe non plus sans une annonce sur l’intelligence artificielle (IA), qu’il s’agisse d’investissements des mastodontes du Web, de nouveaux services, de dérives réelles ou supposées de cette technologie s’imposant comme un nouvel eldorado économique et une révolution de société. Si le concept d’une machine pouvant imiter le cerveau est presque aussi ancien que l’informatique et sans rentrer dans des débats trop théoriques (dès 1870, le philosophe positiviste Hippolyte Taine comparait l’intelligence humaine à une «machine» dont les pionniers de l’IA espèrent reproduire plus ou moins le mécanisme), constatons que le récent déploiement d’algorithmes, comme ChatGPT pour «inventer» des textes, a fait rentrer cette expression et ces techniques auprès d’un public de plus en plus large. Selon le quotidien Le Monde, l’IA est constituée par un champ scientifique de plusieurs disciplines, à la croisée de l’informatique, des mathématiques, de la psychologie ou encore de la linguistique. Mais surtout, il vise à amplifier des compétences humaines, comme le raisonnement, la planification ou la résolution de problèmes, grâce à des algorithmes informatiques, dans des domaines aussi divers que l’architecture, la santé, l’agriculture, la logistique, les transports, mais aussi les enquêtes de police. Ce qui donnerait le droit d’espérer.
Jacques Pradel, homme de radio et de télévision, a consacré une partie de son travail de journaliste dans «Police technique et scientifique» à cette police scientifique dont il est souvent question dans les médias, mais qui est en fait peu connue. C’est là aussi dès le XIXe siècle que les premiers progrès décisifs eurent lieu quand, par exemple, la photographie a permis le développement en 1882 du premier laboratoire de police d’identification criminelle et le créateur de l’anthropométrie judiciaire, appelée «système Bertillon », système d’identification rapidement adopté dans toute l’Europe, puis aux États-Unis. Les empreintes digitales, la recherche d’indices matériels puis le travail sur l’ADN vont considérablement changer la physionomie des enquêtes. L’intelligence artificielle permet de nouveaux progrès dans la mesure où, par exemple, elle brasse des millions de données pour rechercher précisément un suspect, par l’image et par la voix. Ainsi, l’IA est efficace pour analyser les images de vidéosurveillance. Grâce à un logiciel, l’opérateur rentre le signalement du véhicule qui l’intéresse et l’ordinateur effectue la recherche sur les caméras connectées, quelle que soit leur localisation. Selon le même système, l’intelligence artificielle peut aussi suivre à la trace des personnes au milieu d’une foule… À rebours, il faut également avoir en tête que l’IA peut aussi servir les intérêts des criminels, notamment dans le domaine des trafics (calculs des quantités nécessaires, recherche des meilleurs moments de passage et routes, taux-bénéfice/risque…). Comme toute technique, l’évolution peut être positive ou négative. Et de toute façon, les énigmes actuelles relatives au petit Émile et à Lina montrent surtout que l’IA ne règle pas tout.En permanence donc, notre humanité est tiraillée et les progrès techniques, incontournables de fait, nous plongent souvent à la fois dans une crainte diffuse et l’espoir que nous pourrions vivre mieux. Et espérer davantage.