Viol : la Bocaine dévoile son calvaire
Victime d’un viol il y a 5 ans, Fannie* est aujourd’hui diagnostiquée « dépressive majeure sévère avec complications » . Pour se soigner et aider les autres victimes, elle a écrit un « livre pansement » Pourquoi moi ?
« Depuis 5 ans, je ne vis plus. Je survis. » Victime d’un viol à son domicile, Fannie*, 32 ans, est aujourd’hui diagnostiquée « dépressive majeure sévère avec complications » . Comprendre : idées suicidaires. Depuis que sa vie a basculé, elle est sous traitement médical lourd, accompagné d’un suivi psychologique.
Pour tenter de reconstruire le château de cartes qu’est devenue sa vie, Fannie, 32 ans, a fui Villers-Bocage pour s’installer à Champsecret, en mars. Pour accélérer sa guérison, elle s’est lancée, en 2014, dans l’écriture d’un « livre pansement » , baptisé Pourquoi moi ? Un exutoire pour se soigner, mettre des mots sur ses maux, et aider les victimes de viol à surmonter ce traumatisme.
Avant, Fannie était une mère de famille comme les autres. Maman de deux enfants, elle cherchait à refaire sa vie, dans son Calvados natal, suite à une séparation. Elle s’inscrit sur un site de rencontres. C’est là qu’elle fait connaissance avec son agresseur. Ils se voient une dizaine de fois avant qu’il ne passe à l’acte.
« J’ai porté plainte presque aussitôt. Il a été retrouvé, il y a eu confrontation et il a pris 15 ans » , raconte la jeune maman, la tête embrumée par l’effet des médicaments.
« Un prédateur de moins »
Diagnostiqué « pervers narcissique » , l’auteur du viol « n’a rien nié. Il m’a même ri au nez. Un regard noir et un sourire très vicieux » , lâche Fannie, dents serrées.
« Pour moi, ça n’a pas été un soulagement car le mal était fait, mais pour les autres, c’est un prédateur de moins » , poursuit l’auteur. « Ça m’a permis de tourner une page car j’ai été reconnue victime, et lui est derrière les barreaux. »
Son ami, Jérémie, et son avocat l’ont incité à porter plainte. « Je ne l’aurais pas fait seule. La honte, la culpabilité, le sentiment d’être épiée par l’agresseur m’en auraient empêchée » .
Des barrières souvent évoquées par les victimes d’un viol. « C’est pour cela que j’ai écrit ce livre : si cela peut aider des victimes à porter plainte, j’aurais été utile » . Depuis cinq ans, Fannie travaille chaque jour à se reconstruire. À combattre ses idées noires. À chasser ses démons. « J’ai mes amis et heureusement, car il faut être bien soutenue dans ces conditions » .
Se vider la tête
Malgré toute la bienveillance dont elle s’entoure, Fannie a encore du chemin à parcourir. « Le sentiment de honte, je l’ai et je l’aurai encore longtemps » , souffle-t-elle, lucide.
Son ami, Jérémie, passe tous les jours à la maison. « Il me protège, un peu comme un grand frère. » Pour lui aussi, le sentiment de culpabilité « de ne pas avoir su être là pour la protéger » fait partie du quotidien. « J’ai commencé à lire le manuscrit mais je n’ai pas pu aller plus loin. C’est trop dur » . Selon Jérémie, ce livre est une nécessité. « Elle a mis plusieurs années à me raconter certaines scènes : écrire lui a permis de se vider la tête. »
Mise en garde
Le livre de 62 pages est fort, violent, sans concession. « Je détaille vraiment tout : la scène de l’agression, l’après. C’est ce qui fait la force du livre » , explique la Champsecrétoise qui souhaitait « retranscrire la violence de ce que j’ai ressenti, pour que les gens comprennent tout ce qu’on peut perdre. J’avais l’impression que je n’avais plus rien, que je devais tout reconstruire » .
Sur le conseil de psychologues, la Champsecrétoise, maman de deux garçons de 8 et 12 ans, a choisi de leur raconter ce qu’elle a vécu, avec des mots adaptés à leur âge. C’est aussi pour eux que Fannie a pris la plume. « Quand j’ai perdu la garde de mes enfants, j’ai dû leur expliquer pourquoi. Sur le moment, ils ont été choqués mais aujourd’hui, ils sont fiers de maman. Ils croient que je vais devenir célèbre… »
« Il n’a rien nié, il m’a ri au nez »