Le procès des « pieds nickelés » du dopage met en cause le Dr Mabuse
Mardi 4 juillet, 11 prévenus ont comparu au tribunal de Caen, dont Bernard Sainz, le célèbre Dr Mabuse, pour des faits d’incitation au dopage dans le cyclisme.
D’un côté, les pieds nickelés du dopage au sein des pelotons amateurs ; de l’autre, Bernard Sainz, le Docteur Mabuse, qui a réfuté la « caricature diabo- lique de dopeur » .
Démarré en 2010, sept années d’instruction et de procédure ont été nécessaires pour que ce dossier arrive devant le tribunal correctionnel de Caen avec onze prévenus accusés de dopage. Six coureurs amateurs qui ont reconnu les faits sont poursuivis : « Nous étions prêts à tout pour arriver » , a résumé l’un d’eux, à la barre. Tout, c’est de l’EPO, des corticoïdes ou de l’hormone de croissance que l’on se procure sur Internet, en Pologne ou via une pharmacie en Andorre. À l’époque, l’un des prévenus utilisait la carte bancaire « d’une copine de sa mère » pour payer. Rivaux dans les pelotons, les coureurs se dépannaient l’un l’autre quand ils étaient en panne de produits.
Aux côtés des sportifs, un médecin pas trop regardant qui délivrait des ordonnances de corticoïdes sans voir les patients, un pharmacien et deux préparateurs qui dérobaient les médicaments anti-cancer à base d’EPO, et un portier de boîte de nuit, devenu champion de musculation, qui jouait les intermédiaires.
2014 : Bernard Sainz apparaît
L’enquête, qui a cerné ces pieds nickelés du dopage et leurs petits profits, s’est terminée lorsqu’en 2014, le nom de Bernard Sainz est apparu. L’homme a 74 ans aujourd’hui. Spécialiste des médecines douces, il a déjà été condamné non définitivement dans deux dossiers de dopage. Cette fois, il est mis en cause par un champion de cyclocross décédé d’une overdose de cocaïne pendant l’instruction. Le défunt a déclaré que Bernard Sainz donnait des protocoles de dopage par oral, désignant les substances par des codes homéopathiques qu’il devait apprendre par coeur. Le soigneur prescrivait aussi des gouttes. Autant d’accusations que Bernard Sainz a balayé devant le tribunal. « Je n’interviens jamais dans la décision de se doper, ni dans les modalités. Les expertises ont démontré que les gouttes ne pouvaient pas masquer un produit dopant. »
Pas de preuves matérielles
Des fioles ont été retrouvées lors des perquisitions mais elles ne contenaient pas de produits dopants. Dans ce dossier, pas de preuves matérielles mais seulement des déclarations. Le coureur, depuis décédé, avait aussi évoqué un droit d’entrée pour être suivi par Bernard Sainz qui aurait prélevé sa dîme sur les résultats du coureur. La veuve du cycliste présente Bernard Sainz comme le « gourou » de son mari. Bernard Sainz a refusé d’accabler un mort. « Je lui ai dit : « si tu veux me voir, tu arrêtes les dopants » . « Votre propriété dans l’Orne, c’était un centre de désintoxication » , sourit le président du tribunal. Deux autres coureurs, le père et le fils, ont présenté Bernard Sainz comme conseiller pour la prise d’hormones de croissance. « L’hormone de croissance est indécelable, on peut en prendre le jour de la course » , a répliqué le soigneur.
Et de voir dans ces affirmations l’espoir pour le plus jeune coureur d’être épargné par la fédération française de cyclisme lors des sanctions disciplinaires.