La Voix - Le Bocage

La pêche en danger

Cet été, les pêcheurs du Bocage ont la canne en berne. Avec la sécheresse, les cours d’eau s’amenuisent, empêchant les truites de frayer correcteme­nt. C’est pourquoi Mickael Delaunay, président de l’Hameçon Versonnais, souhaite une pêche plus responsabl­e.

- Paul Le Meur

« Ah, ici c’est un peu mieux. » Après avoir constaté que la Douvette à Courvaudon était à sec, c’est un Mickael Delaunay rassuré qui constate que l’Odon conserve tout de même un débit suffisant, même si ce dernier est bien moins important que les autres années. « Cette année, on a un niveau qui est inférieur à l’hiver dernier, alors que l’hiver avait un niveau inférieur à l’été 2016. L’Odon a un débit très faible sur le bassin-versant. » Une situation critique selon le président de l’Hameçon Versonnais, contre laquelle il se sent malheureus­ement impuissant. « On ne peut rien faire contre la sécheresse, à part attendre qu’il pleuve. On n’a quasiment pas eu de pluie depuis juillet 2016. »

Un danger pour le poisson

Avec les cours d’eau asséchés, les truites fario, principale espèce des rivières du Bocage, ne peuvent pas frayer le plus loin possible, les obligeant ainsi à déposer leurs oeufs dans des endroits moins propices à leur conservati­on, et donc entraînant de ce fait moins de naissances. Seule solution pour minimiser le risque pour la faune aquatique, passer en alerte sécheresse pour préserver les ressources en eau, comme sur le bassin de la Touques. Cependant pour le moment, la préfecture ne dépasse pas la vigilance sur le Bocage Virois. Une décision que conteste Mickael Delaunay, même si ce dernier voit également d’autres manières de préserver les poissons de l’Odon, et notamment la truite fario.

Repenser la pêche

Il y a encore deux ans, l’Hameçon Versonnais ne gérait pas l’Odon, ainsi que les rivières aux alentours d’Aunay-sur- Odon. « On a repris la société des pêcheurs de l’Odon, car le bureau n’avait plus de volontaire. Gérer un parcours de rivière ça prend beaucoup de temps. » Sans repreneur, tout le secteur aller revenir dans le privé, soit 25 km de cours d’eau, alors l’associatio­n présidée par Mickael Delaunay a décidé de reprendre ce parcours, mais pas sans y apporter quelque changement. En effet, à l’Hameçon Versonnais on prône une pêche plus sportive, qui diffère de celle pratiquée il y a encore 30 ans, et qui visait à se nourrir. « Nous avons mis en place des parcours ’No Kill’ sur lesquels il est interdit de prélever des poissons, et où les pêcheurs doivent utiliser un hameçon simple, sans ardillon (la contre- pointe empêchant le poisson de se décrocher) afin de blesser un minimum le poisson. » Les pêcheurs sur ce parcours s’engagent également à remettre immédiatem­ent le poisson à l’eau, faisant ainsi de la pêche en rivière une activité purement sportive. Sur le reste des rivières, pas de « No Kill » mais toujours une volonté de préserver le poisson. « Nous demandons à nos pêcheurs d’être responsabl­es, de préle- ver moins de poisson, et surtout de remettre les grosses truites à l’eau. »

« Si vous ne faites que s’accoupler des nains ensemble, vous n’aurez jamais de géants »

En effet, à l’Hameçon Versonnais on se bat contre une croyance qui dure et met en péril la truite fario. « Les vieux pêcheurs pensent souvent qu’il ne faut pas remettre les gros poissons à l’eau, car ces derniers vont venir manger les plus petites truites et donc qu’elles ne pourront pas se développer. C’est faux, les grosses truites ne mangent les petites que si elles se trouvent à proximité quand les grosses se mettent à table, c’est juste de la sélection naturelle. » De plus selon Mickael Delaunay, relâcher les gros poissons augmentent les chances d’avoir des truites qui sauront mieux survivre en rivière, et aussi qui seront plus grosses. « Si vous ne faites s’accoupler que des nains ensemble, vous n’aurez jamais de géants, c’est pareil pour la truite. Conserver les grosses truites permet d’avoir un génome de meilleure qualité, et donc un poisson de meilleure qualité. » Une gestion qui semble convaincre de plus en plus de pêcheurs, puisque depuis qu’elle a été mise en place le nombre d’adhérents a décollé, passant de 214 pêcheurs à 698. Toujours dans cet esprit de pêche durable, l’Hameçon Versonnais a décidé de mettre fin au lâcher de truites dans les rivières, qui perturbe trop les truites sauvages.

Un dernier barrage

Concernant l’Odon, un programme de restaurati­on du cours d’eau va être mis en place pendant 5 ans, afin de protéger les berges et les rivières, sous l’initiative du Syndicat de l’Odon. Programme auquel le Pré-Bocage Intercom participe à hauteur de 143 621 €. « Le syndicat va aménager les abreuvoirs des vaches, pour empêcher ces dernières de faire leurs besoins dans la rivière, ce qui induit une pollution majeure même si elle est très courte. Il va y avoir aussi la mise en place de gués pour permettre aux tracteurs de traverser le cours d’eau, et enfin une action menée contre une maladie qui détruit les arbres sur les berges. »

Tout comme l’agence de l’eau, Mickael Delaunay voit un ultime obstacle à la proliférat­ion de la truite sauvage dans les ri- vières, les barrages. « Ils n’ont jamais été une bonne chose pour la rivière. Ils font stagner l’eau qui chauffe et donc n’est plus adaptée aux poissons. On a aussi une augmentati­on de la pollution avec notamment plus de nitrates qui s’accumulent. » Autre défaut des barrages selon le président de l’Hameçon Versonnais, les passes à poissons qui ne sont pas toujours présentes, et inadaptées. « Puisque les barrages vont souvent de pair avec les moulins, qui appartienn­ent à des propriétai­res privés, il y en a parfois qui ne veulent pas investir plusieurs milliers d’euros pour les poissons. Et puis on se rend compte que les passes à poissons ne sont pas adaptées aux plus petits spécimen. » Selon Mickael Delaunay, depuis la destructio­n de barrage sur les rivières du Bocage, les poissons sont plus nombreux.

Tout un tas d’obstacles donc à surmonter, pour permettre à la truite fario de survivre, et aux pêcheurs de vivre leur passion.

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Mickael Delaunay prône une pêche plus responsabl­e.

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