Une herbe miraculeuse dans le Bocage
Depuis trois ans à Villy-Bocage, Gilbert Mouchel-Vichard cultive dans sa ferme une plante aux multiples applications, le miscanthus, plus connu sous le nom d’herbe à éléphant.
C’est un paysage qui attire l’oeil dans le Bocage Normand, puisque plutôt inhabituel. À voir les grandes pousses de miscanthus de 4 m de haut, on se croirait presque perdu en pleine savane africaine. Car c’est de là que vient son nom d’herbe à éléphant. Originaire d’Afrique, cette plante a séduit Gilbert Mouchel-Vichard, qui cherchait un moyen de continuer à tirer des revenus de son terrain, après s’être consacré pendant plusieurs années à l’élevage d’Anne du Cotentin. « À 71 ans, passé, je voulais arrêter la reproduction d’âne, sans pour autant louer mon terrain. Sur internet, j’ai entendu parler du miscanthus et j’ai donc décidé de me lancer. »
Une plante aux multiples propriétés, mais qui ne demande pas trop d’attention ni d’eau pour se développer. Une fois planté le miscanthus pousse pendant environ 25 ans et est récolté au mois d’avril. Parmi ses principales qualités, celle de très bien conserver l’humidité : « On peut le mettre dans des serres, au pied des cultures car il absorbe trois fois plus l’humidité que la paille, et protège des mauvaises herbes. » Un atout pour les jardiniers donc mais aussi pour les agriculteurs, qui peuvent l’utiliser pour le paillage des animaux, ou encore pour les ruminants. « Au niveau national, le plus gros débouché c’est pour le paillage des volailles. C’est très intéressant car ça ne vole pas partout, ça se fixe très bien au sol. À la clinique vétérinaire de Bayeux il ne jure plus que par ça pour les chevaux. De plus en ce qui concerne les ruminants, il peut être ajouté à la ration alimentaire pour les aider à ruminer. »
Du sol au plafond
Mais ce n’est pas la seule application du miscanthus. Cette plante est aussi utilisée pour ces qualités de combustible, avec un pouvoir calorifique plus important que le bois. « Le miscanthus coupé ne dépasse pas les 15 % d’humidité, ce qui en fait un bien meilleur combustible que le bois. Un monastère que je fournis est passé de 5 chaudières à fuel à une seule grosse chaudière de miscanthus. » Il est en effet possible pour les particuliers de se chauffer au miscanthus, mais pour cela il faut s’équiper d’une chaudière spéciale et acheter la plante sous forme de granulé. L’herbe a éléphant est même utilisé en Angleterre pour chauffer des villes. « Avec un hectare de miscanthus vous avez assez pour pouvoir chauffer cinq grands pavillons » , ajoute le cultivateur. La plante peut également servir à la confection de plancher léger, ou encore d’isolant sur les murs, en le mélangeant avec du chanvre et en l’appliquant sur la pierre comme du torchis.
Un couvert permanent
Cette année, Gilbert Mouchel-Vichard a eu une productivité de 19 tonnes par hectare, un très bon résultat, même si son Miscanthus n’en est qu’à ses débuts. « Le miscanthus n’atteint son plein dévelop- pement qu’à 7 ans. Au départ, c’est un seul pied qu’on plante environ tous les 69 cm, et qui ensuite se multiplie pour atteindre jusqu’à un mètre de diamètre, sans pour autant bouger de sa ligne. » Le produit est tellement dense, que l’ensileuse à maïs qui vient récolter le miscanthus une fois par an met quatre fois plus de temps à le récolter que le maïs.
Une densité qui en fait une formidable réserve pour les animaux, qui l’ont bien compris. « On a beaucoup d’animaux comme des sangliers, des lièvres ou encore des biches qui viennent se réfugier dans le miscanthus pour mettre bas. C’est idéal pour eux car puisque la récolte se fait en avril, ils sont sûrs de ne pas être dérangé par les machines. » Son seul défaut, l’espace nécessaire pour l’ac- cueillir. Avec à peu près 130 kilogrammes dans un m3, mieux vaut avoir beaucoup de place quand vient le moment de la récolte, ou même pour stocker le produit une fois acheté.