Les troublants trompe-l’oeil de Bertrand Amand
Le peintre donne une défini
tion de son art : « Il faut distinguer le trompe-l’oeil mural, destiné à être vu de loin. Et le trompe-l’oeil de chevalet, qui se voit de près, celui que
je pratique. » La frontière étant fragile entre réalité et fiction : l’artiste du trompe-l’oeil joue de cette confusion de la perception. Le spectateur est à la fois dérouté et fasciné.
Les plus grands peintres
Une légende est attachée à l’apparition de ce genre pictural. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, le peintre grec Zeuxis aurait exécuté des raisins avec tant de vérité que des oiseaux seraient venus les manger !
Concernant le trompe-l’oeil de chevalet, « un tableau peint par Jacopo de Barbari, en 1504, est considéré comme le plus ancien. Il s’intitule : Nature morte avec perdrix et gants de fer » , rappelle Bertrand Amand.
Cet art a été pratiqué par des génies de la peinture, comme Giotto ( 1267- 1337), Raphaël ( 1483- 1520), Michel- Ange (1475-1564) ou Véronèse (15281588). « Michel-Ange a peint le plus grand trompe-l’oeil de tous les temps : le plafond de la Chapelle Sixtine » , indique Bertrand Amand. Le XVIIIe siècle reste l’âge d’or de ce genre pictural. Avec, en France, de grands artistes, comme Jean-Baptiste Oudry ou Nicolas de Largillière.
Ted Seth Jacobs : un maître
Au XIXe, le trompe-l’oeil disparaît, au moment où se développe la technique photographique et où surgit le courant impressionniste. Et plus tard, l’art abstrait : une des principales tendances dans la pein
ture du XXe siècle, « qui ne contient aucune évocation
de la réalité observée » . En revanche, aux Etats-Unis, l’art de la réalité a toujours eu droit de cité, avec John Frederick Peto, (1854-1907) ou William Harnett (1848-1892).
Dans les années 1950-1960, le trompe-l’oeil revient en France, grâce au mouvement Trompel’oeil-Réalité fondé par Henri Cadiou (1906-1989). Sans oublier des virtuoses du genre, comme Claude Yvel et Jacques Poirier. En 1998, Bertrand Amand réalise une rencontre capitale avec un grand maître de la peinture réaliste : l’artiste peintre américain Ted Seth Jacobs, qui s’est installé en France en 1990. Il suivra son enseignement durant 2 ans, un véritable tournant dans l’évolution de son art.
Une grande sensibilité
Afin d’imiter le réel, il est préférable que tous les sujets représentés soient… de taille réelle. Tout en évitant de peindre des figures vivantes. Leurs postures figées produiraient l’inverse de l’effet recherché. « Surtout aucune trace de pinceau ne
doit apparaître. » Même la signature du peintre doit être fondue dans l’ensemble ! « On enferme, d’ailleurs, le sujet dans des niches ou des boîtes pour accentuer la profondeur et créer l’illusion du relief.
Mais à l’égal d’Henri Cadiou, Bertrand Amand estime que l’illusion produite par le trompel’oeil, loin d’être une finalité, n’est qu’un moyen pour exprimer la sensibilité de l’artiste. Mieux encore : « Le trompel’oeil ne représente pas, il
reconstruit » , a écrit le célèbre anthropologue et ethnologue, Claude Lévi- Strauss ( 19082009). « Il saisit et montre ce qu’on ne voyait pas, ou mal, ou de façon fugitive, et que, désormais, grâce au peintre, on verra toujours. »