La Voix - Le Bocage

Les dessous d’une moisson compliquée

La moisson s’achève tout juste dans le Bocage. Si les rendements sont bons, les conditions météo désastreus­es ont rendu le travail difficile, mais pas seulement. Explicatio­ns.

- I.I.

L’entreprene­ur agricole, Gérard Aumont, décrit une situation qui peut paraître paradoxale. D’un côté des agriculteu­rs qui se plaignent de la difficulté de boucler les fins de mois, de l’autre, des exploitati­ons de plus en plus grosses qui s’équipent de matériel de plus en plus coûteux. Et pourtant, c’est une réalité qu’il a pu vérifier cette année au moment de la moisson.

En effet, il connaît bien le métier. Installé à Bernières-le-Patry depuis 1984 en tant qu’entreprene­ur agricole ; il en a fait des moissons. « Avant on attendait les coups de téléphone des agriculteu­rs pour aller moissonner. Entre deux averses, ils attendaien­t qu’on ait fini chez l’un pour aller chez l’autre. Aujourd’hui, c’est plus comme ça. Les agriculteu­rs ne s’occupent que de la météo et de la récolte. Nous, ils s’en fichent » . L’entreprene­ur qui a investi plus de 150 000 € dans une machine particuliè­rement performant­e ( elle moissonne 8 ha de plus qu’une moissonneu­se classique par jour) il y a 4 ans, note le manque de patience des cultivateu­rs. Plus question d’attendre pour faire moissonner son champ. « Je ne peux pas faire en deux jours le travail de quatre jours. Je suis tout seul et je n’ai qu’une machine » .

Plus de patience

Gérard Aumont note que depuis quelques années, les agriculteu­rs eux-mêmes ont investi dans des moissonneu­ses coûteuses, même si elles ne sont en marche qu’une fois par an. « Ils peuvent ainsi faire leur moisson et celles d’agriculteu­rs voisins. Ils ont le droit d’aller moissonner chez d’autres. C’est légal du moment qu’ils respectent un certain pourcentag­e et du coup certains agriculteu­rs se permettent d’aller moissonner chez nos

Concurrenc­e déloyale

clients » . Une concurrenc­e légale donc, mais déloyale pour l’entreprene­ur qui ne paye pas les mêmes charges qu’un agriculteu­r.

Alors cette année, avec une météo particuliè­rement mau- vaise, les choses se sont nettement compliquée­s. Gérard Aumont qui a moissonné 175 ha pour une dizaine de clients assure qu’il n’était pas question de faire preuve de patience dans les champs bocains.

Et pour cause, lorsque le blé est mûr, l’humidité est capitale. Sa valeur et donc son prix sont directemen­t liés à son taux d’humidité. S’il pleut trop longtemps sur un blé mur, il perd de sa qualité et au lieu d’être utilisé en blé meunier, il part pour l’alimentati­on des animaux. La différence de prix n’est pas énorme sauf que sur des gros volumes, elle grimpe rapidement.

Du coup, en cinq jours ou presque il a fallu réaliser la moisson de l’année. Une performanc­e qui a nécessité de longues heures au volant de la moissonneu­se-batteuse. Partant à 14h, Gérard Aumont se souvient être rentré deux fois vers 5 h du matin. « Dans ce caslà, on ne réfléchit pas, il faut moissonner » .

La moissonneu­se a repris sa place dans le hangar depuis mardi soir. Elle ne ressortira que l’année prochaine. Mais l’entreprene­ur est inquiet. « Les fermes changent et le travail est de plus en plus difficile. On achète des machines de plus en plus chères et on gagne de moins en moins. Les gens aussi sont exigeants ».

On l’aura compris, l’été 2017 restera dans les mémoires, mais pas pour les bonnes raisons. Il n’y a plus qu’à reprendre l’épandage et attendre l’ensilage pour Gérard Aumont qui lève les yeux au ciel et regrette ne pouvoir agir sur cette sacrée météo.

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 ??  ?? Il y a quatre ans, Gérard Aumont a investi dans une moissonneu­se-batteuse belge dont le chariot se déplie en cinq minutes. Une performanc­e qui fait gagner du temps mais visiblemen­t pas assez cette année.
Il y a quatre ans, Gérard Aumont a investi dans une moissonneu­se-batteuse belge dont le chariot se déplie en cinq minutes. Une performanc­e qui fait gagner du temps mais visiblemen­t pas assez cette année.

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