La Voix - Le Bocage

Olivier Basselin : un poète virois qui fait débat !

- Contacts : Associatio­n La Loure, 2, rue Saint-Martin à Vire. Tél. 02 31 68 73 49. Musée municipal de Vire, 2, place Sainte-Anne, à Vire. Téléphone : 02 31 66 66 50.

À Vire, il possède une rue à son nom et un cinéma. La salle « Le Vaudeville » tire son origine des chansons qu’ils auraient composées. Et qui coulaient, comme le cidre, dans les Vaux de Vire, au Moyen Âge. L’accusé ? Olivier Basselin : un poète soumis à la question !

Vire.

À la barre des témoins, voici Yvon Davy, un expert, qui connaît la chanson ! Historien de formation, il est directeur de La Loure : une associatio­n qui, depuis 1998, collecte les chansons, musiques et danses traditionn­elles de Normandie. La Ville lui a confié une mission : dresser un état des lieux des connaissan­ces documentai­res, iconograph­iques et musicales sur l’oeuvre de cet auteur de chansons à boire ! Pourquoi cette enquête ? « Dans la mise en place d’une nouvelle muséograph­ie du musée de Vire, une vitrine sera dédiée à Olivier Basselin » , lâche Yvon Davy. Le rapport d’enquête doit être remis pour la fin de l’année : impératif ! Et pas question de guerre entre les services ! Cette enquête sera menée en étroite collaborat­ion avec la conservatr­ice du musée, Marie-Jeanne Villeroy !

La bonne table

Car, ce n’est pas une mince affaire. « Il faut démêler l’écheveau » , dit très justement le directeur de La Loure. Déjà, la date de naissance de notre poète est aussi incertaine que la date de son décès. « Disons début du XVe siècle » , avance Yvon Davy. Et rien n’est assuré quant à sa biographie. « Il était foulon en draps, tout en composant des chansons qui vantaient la bonne chair, le bon vin. Bref la bonne table ! Il est aussi l’auteur de chansons de résistance aux Anglais. Il serait d’ailleurs mort durant la guerre de Cent ans, en les combattant. Mais Ies éléments pour l’établir sont très ténus. » Qu’importe, les recherches ne portent pas spécifique­ment sur ces données-là.

Témoignage­s oraux

Dans les Vaux de Vire, la rue Olivier Basselin croise la bien nommée rue Jean Le Houx. Du nom d’un avocat et poète né en 1551 et décédé en 1616, à Vire. « C’est lui qui, quelques siècles avant La Loure, a réalisé une collecte de témoignage­s oraux sur les chansons d’Olivier Basselin. » Résultat du collectage : en 1610, il publie « Les Chants du Vaudevire par Olivier Basselin ». Là où ça se corse, c’est que l’homme de lettres Armand Gasté, né à Vire en 1838, s’écrie, dans un ouvrage publié en 1887 : « Hélas, trois fois hélas, ce n’est pas Basselin l’auteur de ces charmants couplets ! » Il affirme que les chansons sont toutes de Jean Le Houx. « Les preuves sont faites, le procès est jugé » , balance-t-il.

Manuscrit de Bayeux

Alors, où faut-il chercher ? « Dans le Manuscrit de Bayeux » , juge- t- il. C’est un recueil de 103 chansons réunies au début du XVIe siècle pour Charles III de Bourbon (14901527). « Il est plus que probable que, parmi ces Vaux de Vire, il y en a plusieurs qu’on peut attribuer à Basselin. » Mais, Yvon Davy estime que tout cela est sujet à caution. Il faut investigue­r davantage, étayer et vérifier les informatio­ns. Du pain sur la planche ! Une première découverte pourtant. « Dans le Manuscrit de Bayeux, on trouve des versions anciennes de chansons transmises encore aujourd’hui par les traditions orales » , remarque Yvon Davy. « Elles remontent donc très loin dans le temps, bien au-delà de ce que l’on supposait. »

Vaux de Vire et résistance

Les recherches concernant Olivier Basselin ont toutes été publiées au XIXe siècle. La raison ? « Cette époque redécouvre le Moyen âge. Lequel a fortement inspiré le romantisme.» Reste à trancher l’origine du nom « Vaudeville », qui désigne, depuis la fin du XIXe siècle, une comédie légère. Est-ce une déformatio­n de « Vaux de Vire » ou y a-t-il confusion avec un autre genre de chansons satiriques nommé « Voix-de-ville » ? La question reste ouverte !

Oubliettes

Enfin, il est généraleme­nt admis, qu’au XXe siècle, Olivier Basselin est tombé dans les oubliettes. C’est aller un peu vite en besogne. En faisant l’impasse sur le très beau poème de Louis Aragon (1897-1982), « Olivier Bachelin », publié en 1946 dans le recueil « Le Nouveau CrèveCoeur » . Louis Aragon fait d’Olivier Basselin, qu’il rebaptise Olivier Bachelin, une figure idéalisée du résistant à l’occupation étrangère. « Olivier mais le vin que tes lèvres vantèrent. Olivier mais ce chant dont ton coeur était plein. Olivier mais ce chant que tes lèvres chantèrent. Il déborde il déborde Il ne peut plus se taire. Il ne peut plus se taire Olivier Bachelin. Olivier Olivier Olivier Bachelin. » Ainsi, dans cette affaire, beaucoup de questions demeurent en suspens. Il ne s’agit donc pas de plonger bille en tête, comme un cheval fou, dans ce dossier. Mais plutôt de tenter, patiemment, de démêler quelque peu l’écheveau…

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