ÉCONOMIE. À la rencontre des chasseurs d’amiante
Vire. Implantée à Vire en 2014 (à la Papillonière), la société Euro Services Labo (ESL) s’est installée place de la Gare il y a maintenant un an et demi. Derrière sa discrète devanture, l’entreprise, dont la maison mère et le laboratoire se trouvent à Paris, intervient sur quelque 500 chantiers par an. Sa mission ? Effectuer des prélèvements d’air sur des chantiers de désamiantage, en intérieur et extérieur (et même parfois dans des voitures !).
Interdiction formelle
Si l’entreprise se veut discrète, sa coordinatrice Normandie, Marie-Christine Macaigne, reste toutefois interloquée à la lecture de notre article paru dans l’édition du jeudi 11 janvier et dans lequel le sous-préfet de Vire affirme que « les plaques de fibres sur le toit contenaient de l’amiante mais ce sont des plaques qu’on peut acheter en grande surface. » « Depuis 1997, la vente de plaques de fibres qui contiennent de l’amiante est totalement interdite. On trouve seulement des plaques de fibres non amiantées » , assure MarieChristine Macaigne. Le Décret de 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, dispose dans son article II, que sont totalement interdites « la vente et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d’amiante et de tout produit en contenant. »
« Il y a des choses qui vont ressortir »
Si l’amiante est donc interdit depuis 1997, « on connaissant ses dangers dès les années 70 » , assure la coordinatrice. Mais alors pourquoi avoir continué pendant toutes ces années à le commercialiser… ? « Il y avait un important lobbying financier » , assure Marie-Christine Macaigne.
Dans la région, l’ancienne entreprise Honeywell de Condésur-Noireau (spécialisée dans la production de matériaux de friction) a été condamnée en septembre en 2016 à indemniser 67 ex-salariés pour « préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante » . Alors peut-on imaginer un tel scandale dans les années à venir dans certaines entreprises du Bocage… ? « Il y a des choses qui vont ressortir… » , selon Marie-Christine Macaigne. L’amiante serait responsable de près de 2 200 nouveaux cas de cancers et 1 700 décès chaque année. « Le problème, c’est que les gens ne savent pas que l’amiante est présent dans tous les matériaux, il y a une méconnaissance du sujet. » En effet, cette roche volatile peut aussi bien se trouver dans des ardoises, dalles de sol, plâtres, menuiserie, enrobés, tuyaux, etc. « Et toutes les entreprises ne se soumettent pas aux obligations… Elles devraient toutes se former. » Certains industriels semblant préférer opter pour le pas vu, pas pris… D’autres se résument au diagnostic seulement visuel. « L’amiante est dangereux si ça dégrade » , explique la coordinatrice.
Question de légalité
ESL travaille aussi bien pour les collectivités, entreprises ou industries. « Un désamianteur a l’obligation de faire venir un laboratoire. » Une fois son plan de retrait (document dans lequel le désamianteur y inscrit absolument tout ce qu’il va faire : de son planning jusqu’aux protections utilisées) envoyé, ESL va élaborer une stratégie d’échantillonnage : « On établit ce qu’on appelle des zones homogènes identiques, en fonction des surfaces, du nombre de locaux, etc. »
Avant le début des travaux de désamiantage des pompes environnementales sont posées durant 24 heures « on pose des pompes pour savoir si l’air n’est pas déjà pollué. » Cette étape va permettre au désamianteur de savoir quels EPI (équipements de protection individuelle) utilisés pour faire les préparations de son chantier. Une fois le prélèvement effectué il est envoyé au laboratoire, à Paris. Ensuite, le chantier démarre, des pompes sont posées sur les désamianteurs pour « valider le processus de désamiantage » (validé par le laboratoire sous couvert du cofrac), En même temps, des pompes environnementales sont mises en place, 4 h pendant le chantier puis de nouveau, en fin de chantier pendant 24 h avant d’enlever le confinement et après celuici. Tanguy Hervieu et Benjamin Langlois, les deux préleveurs d’air, sont soumis aux mêmes règles de protection que les désamianteurs : « Pour sortir, on passe un premier SAS où on doit prendre une douche tout habillé tout en gardant notre masque, dans le deuxième SAS on a juste nos sous-vêtements jetables et le masque sous la douche, dans le troisième SAS on n’a plus que le masque. La douche ’normale’ se fait dans le quatrième SAS » , explique Tanguy Hervieu.