« Retisser du lien face à la défiance : une nécessité absolue »
Le lien entre lecteurs et journaux s’est considérablement distendu, comme l’explique l’article ci-contre. Que faire pour retisser des relations saines et sauvegarder la démocratie ? Lors des différentes tables rondes de la journée de travail de l’ASPDH, une dizaine de journalistes du groupe se sont penchés sur le sujet. Premier objectif, urgentissime : retisser le lien. Comme le maire chez les élus, « les médias locaux ont encore du crédit. La valeur du mot relier n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui » rappelle Marie Mangane, de Publihebdos. Camille Allain, de 20 minutes Rennes, insiste lui aussi sur « la nécessité absolue de retisser du lien face à la défiance ».
Cela passe, notamment, par plus de transparence sur le métier de journaliste : « Qui sommes-nous ? Comment travaillons-nous ? Descendons de notre piédestal, allons à la rencontre des gens. Nous n’expliquons pas assez notre métier » explique Benoit Guérin, directeur départemental de Ouest-France Morbihan.
Jean-François Baron, rédacteur en chef adjoint du Maine Libre, approuve : « développons la fabrique de l’info : il faut dire comment nous travaillons. » Laëtitia Greffié, rédactrice en chef de OuestFrance, ajoute : « Faisons du journalisme à hauteur des gens, non pas du journalisme descendant. »
Mélanie Niger, journaliste à l’hebdo gratuit C’est à Cherbourg, le dit autrement : « Je suis une mère de famille. J’ai les mêmes problèmes de poux à l’école ou de pouvoir d’achat que les lecteurs. »
Résister aux micro-polémiques
Mais comment faire, quand l’information anxiogène vous bloque jusqu’à la nausée ? Virginie Enée, cheffe de la rédaction Ouest-France de Rennes, cite en exemple les sujets liés au climat : « Nous ne pouvons pas être que sur l’anxiogène. Il nous faut donner des solutions que chacun peut s’approprier, montrer aux gens qu’ils ont les moyens d’agir. »
Dernier point évoqué : la bienveillance : « La société souffre, créons des espaces où l’hystérie collective n’a pas sa place ! » affirme Stéphanie Séjourné. « Quand on prend le temps de parler aux gens, leur expliquer, argumenter, cela aide à les calmer » poursuit Fabienne Supiot, cheffe de la rédaction de Cholet au Courrier de l’Ouest. Tisser du lien, jouer la transparence, et la bienveillance… Des défis majeurs. Président de l’ASPDH, David Guiraud en ajoute d’autres, que les journaux devront relever pour défendre vaille que vaille la démocratie : « Stop à la banalisation de la violence des propos, des actes et des faits ; stop aux généralités du type les jeunes, les casseurs ou les teufeurs ; ayons le courage de résister aux micro-polémiques qui font le miel des audiences ; travaillons avec humilité et respect, acceptons de dire qu’on s’est trompé » Des objectifs vitaux à l’heure où l’intelligence artificielle, les infox et la violence s’emparent du monde de l’information.
J.-B. C.