Le Courrier de Mantes

Karim Akouche : « Je suis de la religion de ma mère »

La laïcité au naturel appliquée par une potière de la montagne kabyle, telle est la formidable leçon du livre de Karim Akouche de passage à l’Agora, samedi. Un témoignage et une conversati­on rares.

- E.O.

Elle prie Dieu, la mère de Mirak, le héros du livre (Karim à l’envers !) mais à sa façon.

Quand son fils lui fait remarquer qu’elle prie en tournant le dos à la Mecque, elle répond :

« Je prépare le couscous. Je surveille la marmite. Sa Mecque, c’était sa terre, ses prophètes ses enfants. »

« Je ne suis d’aucune religion »

D’entrée de jeu, samedi matin, Karim Akouche, l’auteur, a donné le ton, en lisant le début de son roman ; il poursuit :

« En me voyant m’initier à la prière, accroupi, mon front touchant le sol elle a gloussé : va jouer avec tes copains. Dieu a inventé la prière pour les croulants. Pour qu’ils obtiennent leur ticket vers le paradis. J’ai plié le tapis et rangé le Coran. Si tous les Algériens avaient entendu le conseil de ma mère, ils auraient épargné à leur pays une décennie de sans et de folie. Je ne suis d’aucune religion. »

Je suis de la religion de ma mère. Évidemment, c’est à la fois le héros et l’auteur qui parlent même si ce dernier précise :

« C’est un roman, une transposit­ion poétique ; ainsi ma mère à moi aussi était potière mais contrairem­ent à celle du livre, elle vit toujours. »

Également poète et dramaturge,

« écrire pour coudre ses blessures à la pointe du stylo ».

il confie encore développé encore une autre dame du public.

La parole a circulé

« Croyant ou pas, le Kabyle a un sens républicai­n »,

affirme l’auteur avant de plaisanter :

« Un Kabyle calme est un laïque. Un kabyle énervé, un athée ».

Ensuite de fil en aiguille, de l’Algérie actuelle et sa politique à l’opposition entre Anglo-Saxons et Français sur le communauta­risme en passant par de multiples anecdotes - comme celle des Touaregs, hommes voilés ! - la parole a circulé. Avec beaucoup d’érudition. Il faut souligner l’art avec lequel Karim Akouche, à partir des questions qui lui étaient posées sur sa carrière et son destin particulie­r de petit Kabyle ayant bien réussi au Canada (où il vit depuis 2008), a su élargir le débat, l’universali­ser. Et ainsi faire passer sa conviction « tragicomiq­ue » du monde tel qu’il va mal, mais qui vaut le coup qu’on se batte.

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