Imbroglio autour de l’extraction du char Tigre
L’opération d’extraction du char de l’armée allemande reposant sous la D913, prévue pour le 6 février prochain, pourrait être repoussée. Ce chantier de plusieurs semaines doit mobiliser les services du Département, les démineurs, la gendarmerie ainsi que des entreprises privées… En interne, le conseil départemental explique en effet que le projet risque d’être retardé après l’intervention de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac).
Ce Tigre royal, abandonné par son équipage après une panne puis enfoui à plusieurs mètres de profondeur à la Libération, a été découvert en 2001 par Bruno Renoult, historien local, dans le cadre de fouilles autorisées. Il s’agit donc d’un site archéologique. Et le Département n’a pas les autorisations nécessaires, notamment celle de la Drac, pour effectuer de nouvelles fouilles. Difficile pour lui de les obtenir en seulement trois semaines.
« Il faut mettre en place un véritable projet scientifique, avec des mesures de conservation, un process de datation de l’objet, une recherche sur les conditions dans lesquelles il est arrivé là. Ce char et sa présence à l’époque dans
la région ont un vrai intérêt historique », explique un spécialiste de la question. Ce modèle serait le seul en France, non détruit, avec celui exposé au musée de Saumur. Sa valeur marchande est estimée au minimum à 2,5 millions d’euros par les spécialistes.
Ce monstre d’acier de 70 tonnes pouvait transporter jusqu’à 86 obus, presque autant de mortiers, et près de 6 000 cartouches. En 2001, Bruno Renoult en a extrait un obus de 88 mm. Ce danger potentiel a poussé le conseil départemental, propriétaire
de la route qui passe au-dessus, à s’en séparer. « On ne sait pas ce qu’on va trouver à l’intérieur. C’est un problème de sécurité publique, expliquait un agent du Département, il y a quelques mois. Il n’y aurait rien de pire que de le voir exploser au passage d’une voiture. »
Gary Sterne, riche collectionneur britannique, est venu taper à la porte du conseil départemental il y a quelque temps pour proposer de financer les travaux d’excavation, 300 000 euros au bas mot, en échange de quoi il devenait propriétaire du char pour l’exposer dans son musée de Grandcamp Maisy (14). Le Département a saisi l’aubaine. Bien que, selon une autre source, cette pièce archéologique « imprescriptible, inaliénable et incessible ne peut pas être cédée à un propriétaire privé » et doit donc rester dans le domaine public.
La question de la propriété se posera certainement aussi. Selon la loi, Bruno Renoult est propriétaire à 50 % avec le conseil départemental. Et hors de question pour lui que cette
« pièce inestimable » quitte la
région. « La bataille du Vexin a fait 2 000 morts. Ça fait partie de notre histoire. On veut créer un mémorial autour de cet événement et le char en serait la pièce maîtresse », argumente-t-il. Cette dizaine de jours de combats acharnés figure comme l’une des trois grandes batailles de blindés de la Seconde Guerre mondiale.
Une réunion doit se tenir en préfecture dans les prochains jours, avec les différents protagonistes de ce dossier, afin de trouver un terrain d’entente. La Drac et la préfecture n’ont pas répondu à nos sollicitations.