Le Courrier de Mantes

Le couple d’escrocs s’installe au château, le saccage et revend les meubles

- • François Desserre

Il faut le reconnaîtr­e. Michael B. est doué, voir surdoué dans son art : l’escroqueri­e. Avec son épouse, cet homme de 47 ans a réussi à faire croire qu’il allait racheter un château bien connu des Yvelines. En l’espèce, celui de l’ancienne réserve sauvage d’Emancé, situé en bordure de l’Eure-et-Loir, à quelques kilomètres d’Epernon. Sauf qu’il n’a pas payé un centime. Et qu’au passage, il a revendu une grande partie du mobilier et saccagé certaines pièces.

Michael B. et Céline L. sont entrés dans cette bâtisse historique en mars 2023. Tous deux ont réussi à convaincre la propriétai­re, une Allemande, qu’ils allaient l’acheter. Coût de l’opération : plus de 11 millions d’euros.

Dix millions sont pour le château et le terrain ; 500 000 euros pour les meubles et 600000 euros pour les animaux s’y trouvant. Le Château sauvage est réputé pour ses flamants roses, ses oiseaux exotiques et surtout ses kangourous. Certains ont réussi à s’échapper et ont colonisé la région.

L’acte n’a pas été signé. L’argent n’a pas été versé. Mais le couple a tout de même réussi à obtenir l’aval de la châtelaine pour s’installer dans les lieux. Avec beaucoup de bagou.

Ils vendent une table à 248000 euros

Dès lors, Michael et Céline vont faire tout et n’importe quoi. À commencer par le saccager. De rares tentures murales sont découpées. Des boiseries anciennes sont décollées et poncées. Certains des vieux parquets sont arrachés, tout comme de beaux carrelages.

En parallèle, les faux nouveaux châtelains vendent des meubles précieux : fauteuils Louis XIV et Louis XV, tables, console époque régence. Et surtout, un bureau plat en marqueteri­e Boulle de Bernard Van Riesen Burgh, un ébéniste du XVIIIe siècle. Il est estimé à 248 000 euros.

« Le tout a été vendu à des antiquaire­s de Chartres et des Puces de Saint-Ouen. Le couple a expliqué qu’il s’agissait d’un héritage. Personne n’a vérifié. Certaines pièces ont été retrouvées. D’autres pas », précise une source proche du dossier.

En juillet 2023, la véritable propriétai­re des lieux s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles. Elle a bien cru à l’histoire de Michael. Il s’est présenté comme un chef d’entreprise anglais. Il pourrait y avoir un retard de paiement à cause des banques étrangères. Mais maintenant, le temps lui paraît long. Elle se rend sur place.

Michael et Céline ont disparu. Partis sans laisser d’adresse. Partis en laissant plus de 97 000 euros de dégâts. Et une ardoise de 24000 euros auprès d’artisans locaux.

Face à l’ampleur de la situation, les gendarmes de Rambouille­t et de la Section de recherches de Versailles sont saisis.

Retrouver l’identité des escrocs ne sera pas compliqué. Ils ont utilisé le nom de Madame comme couverture. Elle a aussi donné son numéro de téléphone et sa carte d’identité aux antiquaire­s.

Le plus compliqué va être de localiser ces deux profession­nels de l’arnaque.

Car, en 2006, Michael s’est fait passer pour un proche du chanteur Robbie Williams et a promis qu’il viendrait chanter au stade Bollaert, chez les footballeu­rs du Racing Club de Lens. 140 000 euros ont été perdus.

Deux ans plus tard, il tente de tromper le Valencienn­es Football Club en assurant de la venue de Stromae au stade du Hainaut. Mensonge. Au total, son casier judiciaire affiche 10 mentions, principale­ment pour des escroqueri­es.

Une maison à 1 million à Montfort l’Amaury

En ouvrant l’enquête, les gendarmes découvrent que le couple s’en est aussi pris à un propriétai­re de Montfort l’Amaury. Sur le même ressort, le duo s’est installé dans une maison de la rue de Paris estimée à près d’1 million d’euros.

En attendant la vente, tous deux promettent de payer un loyer de 4300 euros par mois. Là encore, pas un centime ne sera versé. Le squat de luxe va perdurer de novembre 2022 à mai 2023.

« Toute la difficulté a été de les retrouver. Car passé le mois de juillet, le couple est allé de maison en maison. Il était temps de les arrêter. Lui était en train d’essayer de racheter des clubs de football mais sans un sou », rapporte une source proche de l’enquête.

Finalement, c’est sur l’île d’Oléron (Charente-Maritime — dép. 17) que le couple est retrouvé. Avec leur enfant de 13 ans, ils occupent encore une maison sans payer le loyer.

Ce jeudi 25 janvier, tous deux préfèrent prendre le temps de préparer leur défense. Lui, plutôt rondouilla­rd, chauve, la barbe grisonnant­e tombant jusqu’au milieu du ventre ne dit pas grand-chose sur son passé judiciaire. Il se contente de confirmer qu’il vit sans ressource et être un ancien ingénieur du son.

Elle, 41 ans, les cheveux couleur cuivre, le visage déconfit, dévoile son véritable métier. Non elle ne travaille pas au ministère de l’Intérieur ou au rectorat de Versailles comme elle l’a soutenu à certaines victimes. Sa véritable profession est au sein de la Caisse primaire d’assurance maladie, comme responsabl­e du service social.

Le délai est de droit mais la procureure de la République réclame leur détention provisoire. « Nous avons là les Bonnie et Clyde de l’escroqueri­e. Une escroqueri­e bien rodée. Ils ont été difficiles à trouver. Gardons-les à portée de la main de la justice. »

Michael se lève. La voix posée et le verbe choisi, il se lance.

« Ces faits sont mon fait. J’en prends toute la responsabi­lité. Mon épouse m’a accompagné dans mes mensonges. Elle m’a demandé à plusieurs reprises d’arrêter. Cela a généré des frictions entre nous. Le seul responsabl­e, c’est moi ! », se défend Michael, le prévenu.

En attendant le procès fixé au jeudi 29 février 2024, Michael et Céline ont été placés en détention provisoire. Leur enfant a été confié au grand-père maternel, dans le Nord.

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