Le Courrier de Mantes

«Des périodes où on veut tout arrêter, il y en a deux ou trois dans l’année»

- • Fabien Dézé

❝ Avant, il y avait une certaine marge de manoeuvre. Maintenant, il faut tout calculer, regarder les devis au centime près. » FABIEN FRÉMIN, maraîcher bio aux Mureaux.

Maraîcher bio arrivé aux Mureaux en 2008, Fabien Frémin est devenu propriétai­re de son exploitati­on d’une vingtaine d’hectares en 2022. Fin janvier, il a suivi à distance le mouvement des agriculteu­rs en colère qui bloquaient les routes et autoroutes des Yvelines. «Je n’y suis pas allé car il faut bien que certains continuent à travailler. Si on manifeste, on n’est pas dans les champs. J’étais avec eux par la pensée. Mon frère, qui travaille avec moi du côté de Feucheroll­es et Villepreux en tant qu’arboricult­eur, est allé une journée sur l’A13. En tout cas, cette colère des agriculteu­rs, on l’a sentait monter depuis un petit moment. »

Dans le cas de l’agriculteu­r muriautin de 38 ans, l’avenir s’inscrit en pointillés. «À l’époque où j’ai investi dans le bio, tout allait bien. Mais depuis 2021, il est beaucoup moins porteur. Il y a eu la Covid, la guerre en Ukraine...

On vend beaucoup moins sur les marchés. Les gens ont délaissé l’alimentati­on et dépensent davantage dans les loisirs. »

Aujourd’hui, le gérant de la Ferme de la Haye est forcément inquiet pour le futur de son entreprise. «Avant, il y avait une certaine marge de manoeuvre. Maintenant, il faut tout calculer, regarder les devis au centime près. Cette gestion plus radine fait qu’on est moins serein. »

S’il ne met pas tout sur le dos du gouverneme­nt, il estime que certaines mesures n’ont pas aidé. « La suppressio­n de l’aide au maintien de l’agricultur­e biologique nous a fait du mal. Pour résumer, quand tout allait bien, on avait des aides et maintenant que c’est plus compliqué, on en a plus. »

Sur les annonces faites par le Premier ministre Gabriel Attal début février, il n’est d’ailleurs pas forcément convaincu : « Ce qu’il a dit est un peu vague. Le malaise est profond et ne se réglera pas par deux ou trois mesures. »

De cette colère agricole, Fabien

Frémin en retient cependant un point positif : le soutien des Français. «La sympathie des gens m’a presque surpris. Il y a eu comme une prise de conscience des citoyens. Ils ont sûrement compris qu’on était une espèce en voie de disparitio­n. »

« C’est difficile de tout quitter »

Pour remonter la pente dans les années à venir, ce père de trois enfants sait qu’il devra jongler en permanence avec ses doutes et une conjonctur­e peu propice. « On manque de main-d’oeuvre (NDLR : il possède une quinzaine de salariés), on aurait besoin de plus de compétence­s. On est dans une période de plein emploi et le secteur n’est pas très attractif. Sur un plan personnel, c’est difficile de conjuguer le travail physique et le travail en bureau. On bosse facilement entre 60 et 80 heures par semaine. Des périodes où on veut tout arrêter, il y en a deux ou trois dans l’année. » Justement, envisage-t-il de tout plaquer dans les mois ou années à venir pour recommence­r une nouvelle vie ? « Quand on est agriculteu­r, c’est difficile de tout quitter, surtout quand on a des emprunts sur le dos. Je suis plus inquiet pour les transmissi­ons. Je sais que mes enfants sont plus intéressés par les machines que par le travail manuel. Est-ce que ça vaut le coup de travailler autant pour tant de stress, une qualité de vie pas toujours au top ? »

Alors que le Salon internatio­nal de l’agricultur­e, «un truc de citadins », se profile du 24 février au 3 mars, Fabien Frémin estime que les manifestat­ions vont cesser prochainem­ent. «Avec l’arrivée des beaux jours, les agriculteu­rs vont repartir dans les champs. Ils auront d’autres préoccupat­ions. »

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