Le Courrier de Mantes

« La loi est une première victoire, mais la guerre n’est pas finie »

AUDE DEFRESNES Référente «jeune» de l’associatio­n pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD)

- • Propos recueillis par Méréva Balin

Avez-vous eu le sentiment d’avoir été entendue après l’annonce du projet de loi sur la fin de vie ?

« J’ai d’abord été contente que l’on parle de notre combat et que ce projet de loi aille dans notre sens. Emmanuel Macron a enfin eu la réaction que nous avons longtemps attendue. Un projet de loi est déjà tombé à l’eau en raison de l’opposition de cinq députés auteurs de multiples amendement­s. Ils ont décidé à cinq pour tous les autres. Nous avons bon espoir que cette fois le projet de loi sera adopté. Il nous paraît important de procéder par étapes. C’est une première victoire, mais la guerre n’est pas finie. Ce projet de loi ne va pas au bout de nos attentes et de nos souhaits. »

Quels sont les manques de ce projet de loi, selon vous ?

« La reconnaiss­ance des directives anticipées des patients n’est pas prise en compte. Cela exclut de fait des personnes qui ne peuvent plus s’exprimer au bout d’un moment en raison de leur état de santé. Le projet de loi ne concerne finalement qu’une minorité de cas. Nous aurions aimé que l’État prenne en charge la gestion du fichier national des directives anticipées, dont nous nous occupons aujourd’hui et qui ne concerne pour l’instant que nos adhérents. Nous souhaitons une fin de vie libre et choisie pour tous. »

Il s’agit, pour vous, avant tout d’une question de choix…

« Un choix qui doit revenir à la personne en fin de vie et ne pas reposer uniquement sur un avis médical. La décision doit être collégiale et tenir compte de l’avis du patient. L’avis médical est le seul à pouvoir dire où en est la personne dans sa maladie. Cela nécessite une formation des soignants pour accepter de se rendre à l’évidence que, parfois, il n’y a plus rien à faire. C’est presque un dernier acte de soin d’aider une personne à partir quand elle a franchi ses limites, son seuil d’acceptatio­n de la maladie. La loi ClayesLéon­etti est finalement assez hypocrite. On acte que la mort va survenir à court terme. On endort le patient, on ne le nourrit plus, on ne l’hydrate plus, on lui procure seulement des soins de confort. La mort peut survenir en quelques heures ou quelques jours. C’est encore plus cruel. »

Qu’adviendra-t-il alors des services de soins palliatifs ?

« Nous voulons que chacun ait un choix multiple comprenant les soins palliatifs. Nous militons pour le développem­ent de ces services. L’exemple belge nous montre qu’autoriser l’euthanasie ne fait pas exploser les chiffres du recours à cette pratique. Moi aussi, je veux une unité de soins palliatifs dans chaque départemen­t et plus d’argent pour développer les structures d’accompagne­ment. Je veux qu’il n’y ait aucune obligation dans un sens ou dans l’autre pour moi comme pour tous les Français. Que chacun soit libre de disposer de son corps et de sa vie. C’est une question d’humanité. »

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