Le Courrier de Mantes

Près de quarante ans après, les oeuvres volées réintègren­t le château de Thoiry

Deux magnifique­s porcelaine­s, cadeaux de Marie-Antoinette à une ancêtre de la famille de la Panouse, avaient été volées en 1987. Elles viennent d’être restituées.

- • Marie Vermeersch

C’est par un mauvais souvenir que la belle histoire commence. C’était il y a trente-sept ans. Un jour de 1987, dans la nuit, des cambrioleu­rs pénétraien­t dans le château de Thoiry et y dérobaient deux magnifique­s porcelaine­s, datant de 1758 et 1759.

Issues de la Manufactur­e de Sèvres., ces deux pièces avaient été offertes en cadeau par la reine Marie-Antoinette à une ancêtre de la famille de la Panouse, la duchesse de Tourzel, qui fut la gouvernant­e des enfants de Louis XVI.

Un coup dur pour le comte Paul de la Panouse, qui a longtemps regretté cet épisode : « Je me suis senti défaillant dans la chaîne de transmissi­on de la mémoire familiale. Mon arrière-grand-mère les avait confiées à ma grand-mère, puis ce fut le tour de ma mère et enfin de moi… »

« C’était inespéré »

Alors, quand le téléphone sonne, il y a quelques semaines, pour lui annoncer que les porcelaine­s ont été retrouvées, l’incrédulit­é se mêle à la joie. « C’était inespéré, je ne m’attendais pas du tout à cet heureux dénouement ! »

Si ces deux porcelaine­s, un pot à eau et sa jatte, d’un bleu rare dit « céleste », ont refait surface, c’est grâce à une conjonctio­n de compétence­s entre un commissair­e-priseur, un expert en céramiques anciennes et un major de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic de biens culturels).

Tout est parti d’un inventaire conduit par maître Pousse-Cornet, commissair­e-priseur à Blois (Loir-et-Cher), dans une propriété en Sologne, un relais de chasse. « Lorsque j’ai vu ces porcelaine­s, elles m’ont sauté aux yeux. J’ai alors contacté Cyrille Froissart, expert en céramiques anciennes. »

Inventaire miraculeux en Sologne

Cyrille Froissart, doté d’une excellente mémoire, ne tarde pas à faire le lien avec le vol commis au château de Thoiry en 1987. La machine est lancée. Prévenu, l’OCBC mène alors l’enquête. « Nous avons repéré que ces porcelaine­s étaient toujours dans le fichier d’Interpol et dans notre base de données Treima, qui recense les biens culturels volés ou disparus », souligne le colonel Hubert Percie du Sert.

C’est lui qui annoncera la bonne nouvelle au comte de la Panouse. « À partir du moment où les oeuvres sont prises en photo, même quarante ans après, on peut les retrouver ! », explique le colonel de l’OCBC.

Le 11 avril dernier, au château de Thoiry, Paul de la Panouse et son fils Edmond, qui n’avait pas revu ces porcelaine­s depuis l’âge de 9 ans, ont vécu un grand « moment d’émotion » lors de la restitutio­n de patrimoine familial. Ils ont vivement remercié les personnes qui, grâce à « leur parfaite collaborat­ion », ont permis ce miracle.

Paul de La Panouse a eu une pensée particuliè­re pour la personne qui avait acquis ces porcelaine­s de bonne foi il y a quelques années et qui les a redonnées spontanéme­nt au château de Thoiry. « Ce don est un acte généreux, car il aurait pu vouloir les garder ou me les vendre », poursuit Paul de la Panouse. Si le donateur a souhaité rester anonyme, il sera convié prochainem­ent au château pour un déjeuner.

Les deux objets d’art ont retrouvé leur place dans la vitrine du musée familial, afin de les valoriser auprès du public. « Il est primordial de prolonger leur pérennité artistique et historique, souligne Paul de la Panouse. Il est également essentiel de garder la fonctionna­lité des objets domestique­s, ce à quoi s’attachent les châtelains qui habitent des châteaux ouverts au public. »

Ces porcelaine­s sont cotées entre 50 000 et 100 000 €. Pour la famille de La Panouse, la sauvegarde d’un patrimoine est bien plus importante.

Cotées entre 50 000 et 100 000 €

Par un heureux concours de circonstan­ces, les retrouvail­les entre les objets volés et le château de Thoiry intervienn­ent au moment même où le comte et son fils Edmond ont obtenu le classement au titre des Monuments historique­s des collection­s familiales. « Nous les immobiliso­ns dans les salons à perpétuell­e demeure, signale Paul de la Panouse. Concrèteme­nt, cela signifie que les meubles et objets d’art deviennent des éléments du décor. Ainsi, ils perdent leur valeur vénale et ne valent pas plus que la peinture des murs ! Mais ça conforte le château dans sa lignée patrimonia­le. Il n’y a plus de risque de dispersion. L’intégrité et l’entretien de notre héritage ancestral sont ainsi protégés. »

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