Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Hommage à Joseph Déchelette
Considéré comme le fondateur de l’archéologie celtique européenne, Joseph Déchelette est mort en octobre 1914, tué sur le front de l’aisne. Le musée d’archéologie nationale lui rend hommage pendant tout le mois de mars.
Il y a un peu plus de cent ans, le 2 octobre 1914, le capitaine Joseph Déchelette tombait sur le front de l’aisne, à Vingré (Aisne), atteint d’un éclat d’obus en pleine poitrine. Quelques heures plus tôt, il avait reçu l’ordre de donner l’assaut avec ses hommes dans le secteur du Bois des Loges, qui domine le hameau de Vingré près de Soissons. Ramené le lendemain à Vingré, il sera enterré deux jours plus tard dans un cimetière militaire. Son corps repose aujourd’hui dans la nécropole nationale de Bois Roger, à Ambleny. Grand archéologue, spécialiste de la Gaule, auteur du Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine (inachevé), il s’était engagé, alors qu’il était âgé de plus de 50 ans et avait insisté pour monter au front. On lui doit d’avoir été le premier à reconnaître l’existence d’une vaste culture, de type «celtique», s’étendant à l’époque gauloise sur la plus grande partie de l’europe continentale et les Îles britanniques, «et fut l’un des premiers à avoir caractérisé l’art celtique. Avec les fouilles du Mont-beuvray (Saône-etLoire), il a mis en évidence la civilisation européenne des oppida, qui a révélé aux archéologues les premières grandes agglomérations celtiques antérieures à la conquête romaine et à la romanisation, d’un type différent de celui des villes des sociétés méditerranéennes» écrit Laurent Olivier, conservateur en chef du Patrimoine chargé des collections d’archéologie celtique et gauloise au musée d’archéologie nationale de Saint-germainen-laye. Après la guerre de 14-18, le Musée de Saint-germain lui ren- dit hommage en installant son buste dans la salle des antiquités gauloises.
60 ans de rupture
«Coulé en bronze, le buste a été réalisé par Benoît Champion, responsable des ateliers de moulages et de restauration du musée de SaintGermain. Une quarantaine de personnalités du monde scientifique et politique assistent à cet événement, organisé sous la présidence du maréchal Joffre» , poursuit Laurent Olivier Sa disparition, tout comme le conflit qui emporta de nombreux archéologues, sonna aussi le glas d’une coopération entre les archéologues européens. Le réseau qu’ils avaient constitué fut rompu pendant longtemps, et il fallut attendre les années 80 «pour qu’une recherche véritablement européenne, associant en particulier les chercheurs français et allemands sur des projets d’études communs, se développe à nouveau» . Les grandes expositions internationales organisées par les musées, comme en particulier celle du musée de Saint-germain sur les “Princes celtes et la Méditerranée” (1988), et les grands projets de fouille communs (comme celui du site d’alésia, en 1991-1997), joueront un rôle central dans ce rapprochement franco-allemand qu’avait commencé à construire Déchelette. «Un siècle après sa mort, les plaies de la Guerre de 1914-1918 se sont enfin refermées» , conclut Laurent Olivier.
P.W.