Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Le trésor du Nord à Saint-germain

- P.W.

Le musée d’archéologi­e nationale à Saint-germain-en-laye expose un ensemble de parures en or, probableme­nt d’origine gauloise.

Lors de sa découverte, en 2001, La Voix du Nord avait titré : « Un trésor sous les patates ! ». Bien vu. Car les deux torques et les quatre bracelets en or découverts à Balinghem, petite commune du Pas-de-calais, pesaient en tout plus de 1,8 kg.

A Guînes, une commune voisine, les découverte­s sont encore plus importante­s : un bracelet, trois torques décorés et une ceinture : 4, 4 kg d’or au total ! « La ceinture demeure à ce jour unique, par ses dimensions (43 cm dans sa plus grande longueur), son poids (2,51 kg) et la qualité de son ornementat­ion, qualité également remarquabl­e pour l’un des torques (794 g) au décor étonnammen­t moderne », estiment Catherine Louboutin et Joëlle Brière, du musée d’archéologi­e nationale.

L’ensemble est similaire à ce que l’on connaît dans les Îles Britanniqu­e, l’armorique et le nord-ouest de la France, entre le XIIE et le VIIIE siècle avant J.C. Ces pièces exceptionn­elles y seront exposées en avril.

Mais il y a aussi une histoire dans l’histoire. Si on ne sait pas précisémen­t quand eurent lieu ces découverte­s fortuites, (celle de Guînes daterait de 1980) on sait en revanche qu’elles auraient pu passer inaperçues.

Négociatio­ns de l’etat

En effet, en 2000, le musée est averti que de beaux objets en or, sans doute gaulois, « auraient été achetés à bas prix par quelqu’un de mal identifié et l’on pouvait craindre qu’ils ne soient fondus ». Les vendeurs, une famille de Guînes, et l’acquéreur, un antiquaire parisien, sont retrouvés et le musée réussit à voir la ceinture, ainsi qu’un torque et un bracelet. Et l’antiquaire, qui les a achetés, sentant la bonne affaire, demande un certificat d’exportatio­n, déclarant une valeur cent fois au prix qu’il les a achetés. Mais l’etat refuse de les voir quitter la France.

En février 2001, deux torques et quatre bracelets en or, découverts à Balinghem, sont signalés au musée et directemen­t achetés aux propriétai­res moins de trois mois plus tard.

Evidemment, l’affaire se sait, et quelques mois plus tard, la famille de Guînes, qui avait vendu les premiers objets au poids, découvre dans son garage, deux torques en or, qu’elle n’avait pas vendus la première fois. Ils contactent à leur tour le musée, qui leur fait une offre cinq fois supérieure à celle que leur avait faite l’antiquaire. (Ils se retournero­nt d’ailleurs contre lui, estimant avoir été lésés).

Parallèlem­ent, afin de rassembler ce trésor, l’etat engage des négociatio­ns avec l’antiquaire, lui fait une première offre, puis une seconde, que ce dernier accepte.

Celui-ci passera aussi un accord avec les premiers propriétai­res et leur reversera les deux tiers du montant de la vente au musée.

« Plusieurs enseigneme­nts sont à tirer de cette histoire » estiment les responsabl­es du musée d’archéologi­e de Saintgerma­in. « Aussi étonnant que cela puisse paraître, les ors de Guînes, trouvés au début des années 1980 dans de la terre de remblai, furent pris pour de la ferraille, jetés au rebut ou utilisés comme jouets par les enfants. Une vingtaine d’années plus tard, un bijoutier est consulté, mais personne ne soupçonnan­t l’ancienneté et la rareté des pièces, la famille les vend au prix de l’or à un antiquaire. De même, les découvreur­s du dépôt de Balinghem prirent pour une poignée de cabas le premier torque trouvé, en décembre 1999, dans leur potager et c’est l’accrochage par le motoculteu­r des cinq autres objets, trois mois plus tard, qui leur mit la puce à l’oreille. »

Deuxième enseigneme­nt : ces histoires montrent comment les musées sont des interlocut­eurs privilégié­s pour des découvreur­s peu au fait.

Enfin, cette affaire montre le rôle de la puissance publique, qui sans acheter ce trésor à un prix prohibitif, l’a acquis et a aussi préservé les intérêts des particulie­rs qui l’avaient découvert en premier.

Newspapers in French

Newspapers from France