Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Le plan antidrogue dans les lycées ne fait pas un tabac
Valérie Pécresse déclare la guerre au cannabis et à l’alcool dans les lycées d’ile-de-france. Sans surprise, les lycéens ont un tout autre avis.
Lors de la séance du conseil régional d’ile-de-france du 19 mai, les élus ont adopté un plan de lutte contre les conduites addictives qui répond à un double enjeu de santé publique et de prévention du décrochage scolaire. Prévention La Région demandera à chaque lycée d’établir un diagnostic sur sa situation au regard de la consommation de substances addictives. Elle soutiendra également les actions de formation des personnels et chaque établissement sera invité à désigner un référent addictions et conduites à risque. Ainsi, les professeurs pourront recevoir une formation en addictologie. La Région formera également des lycéens relais pour transmettre des messages de prévention auprès de leurs camarades. Ces lycéens relais pourront être désignés au sein du conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL). Dépistage La région Ile-de-france financera des tests de dépistage salivaires et/ou des éthylotests, après délibération du conseil d’administration pour les établissements qui le souhaitent. Leurs résultats, couverts par le secret médical, ne seront transmis qu’au lycéen majeur, ou à ses parents s’il est mineur. Le proviseur ne recevra aucun résultat individuel, et seul un bilan global lui sera remis. « Le succès de la politique de lutte contre les addictions passe également par la prise en charge spécifique des jeunes consommateurs afin de mettre fin à leur addiction par des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et des centres jeunes consommateurs qui proposent notamment des consultations anonymes et gratuites pour les mineurs », précise Valérie Pécresse.
Afin de pouvoir les mettre en relation avec les établissements, une cartographie de ces centres sera établie et une information organisée auprès des lycéens. La Région soutiendra financièrement les associations qui souhaiteront monter des partenariats avec les établissements scolaires pour développer des actions de prévention ou d’information, y compris les associations de parents d’élèves. Elle aidera également le réseau associatif auquel sont adossés les centres d’accompagnement et de prévention en addictologie et les centres jeunes consommateurs. Pour réaliser l’objectif, un conventionnement entre ces associations, la Région et les lycées sera mis en place. Répression Selon la situation de l’établissement, le proviseur pourra solliciter le concours de la Région pour mettre en place un plan de lutte contre les dealers et le trafic au sein du lycée et à ses abords. Ainsi, la Région pourra financer le déploiement d’un dispositif de vidéoprotection à l’extérieur et à l’intérieur des établissements ; elle pourra aussi demander un renforcement de la présence policière à proximité de l’établissement en contrepartie du financement de la construction de commissariats et/ou d’aide à l’équipement des polices municipales. Il est également prévu de mieux sécuriser les trajets entre les lycées et les transports publics avec, notamment, un éclairage renforcé des rues.
Dans un parc situé en face du lycée Jeanne-d’albret à Saintgermain-en-laye, nous avons croisé un groupe d’élèves qui profitent de la pause du midi pour se retrouver, à l’écart des adultes. À l’évocation de cette initiative du conseil régional, ils esquissent un sourire. Même si l’établissement n’a pas communiqué, d’après eux, sur le sujet, ils sont plutôt bien informés sur cette mesure.
Plus de la moitié de cette dizaine d’adolescents, âgés de 16 à 17 ans et scolarisés en seconde et première, reconnaît fumer plus ou moins régulièrement. Pour certains, c’est juste « en soirée », quand d’autres craquent des joints « avant, après ou entre les cours ». Jamais au sein de l’établissement, « trop risqué », mais plutôt dans des lieux comme celui-ci, même si l’installation de la vidéosurveillance à proximité et la pression policière les en dissuadent de plus en plus. Une manière pour eux « de se détendre » et de « décompresser ». Ils estiment que « 30 % des élèves » de l’établissement s’adonnent « tous les jours ou presque » à la fumette.
Ils expliquent que l’attrait pour le cannabis débuterait dès la classe de troisième et connaîtrait un coup d’accélérateur au lycée. Même s’ils reconnaissent que cela « ferait coupable » de refuser de se soumettre à un test salivaire, les fumeurs interrogés semblent peu enclins à se prêter au jeu.
Le spectre de voir leurs parents au courant de leur addiction ne semble pas leur donner envie d’écraser leur dernier joint. Pour eux tous, le cannabis est « tabou » à la maison, contrairement à l’alcool. « J’ai déjà fait part de mon expérimentation à mes parents mais je ne pourrai jamais leur avouer que je fume régulièrement », confie un garçon à l’épaisse chevelure brune. « À la différence de l’alcool, que nos parents consommaient à notre âge et consomment encore, le cannabis est encore loin d’entrer dans les moeurs », analyse l’un de ses amis. « S’ils l’apprennent, j’aurai de gros soucis », redoute un jeune blond à lunettes. « Le lien de confiance serait rompu », acquiesce un autre. « Ce n’est pas une mesure inutile pour les gros consommateurs, estime le jeune à lunettes. Ils peuvent gâcher leur scolarité à cause du cannabis. »
Ces lycéens pensent qu’il règne une grande hypocrisie autour de ce problème : « Les profs savent quels élèves fument », glisse l’un d’eux. « Si on dépistait tous les lycéens de France, ils seraient quasiment tous positifs. Parce que, même si certains ne fument pas, ils sont en contact avec des consommateurs et en reniflent les effluves », poursuit un autre jeune homme qui se revendique non-fumeur. Le problème de ces tests de dépistage, c’est justement leur fiabilité. Selon Addictions drogues alcool info service, entité qui dépend du ministère de la Santé, 10 % des personnes testées positivement au prélèvement salivaire ne le sont pas. C’est pour cela que, lors des contrôles routiers, des examens urinaires ou sanguins sont nécessaires pour confirmer -ou infirmer- les conclusions du dépistage salivaire.