Le Courrier des Yvelines (Poissy)

À la rencontre des derniers Apaches libres et d’un roi fou

Giovanni Del Franco, Andrésien, auteur de nombreux livres sur les Apaches Chiricahua, publie simultaném­ent deux nouveaux ouvrages, un sur les derniers Apaches libres et l’autre, une biographie du roi de France Charles VI.

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À propos de Bronco Apaches, quand et comment est née l’idée d’écrire l’histoire de ces derniers Apaches libres réfugiés au Mexique ?

J’ai croisé, au long de mes lectures et recherches, quelques mentions de ces Apaches, une poignée, ayant refusé de se rendre. Les informatio­ns étaient peu nombreuses, mais le mystère de plus en plus fascinant. Un livre a été publié à leur sujet par Grenville et Neil Goodwin, Grenville étant parti sur leurs traces dans la Sierra Madre, en 1931. Il ne les trouva pas, ne vit que des campements vides, mais recueillit de précieux témoignage­s. Sans malheureus­ement me rendre sur place, j’ai collecté les informatio­ns disponible­s, ainsi que le point de vue des Apaches d’aujourd’hui. Mon précédent ouvrage se concluait par un bref chapitre sur les Apaches de Sierra Madre. Un travail complément­aire m’a paru utile. Et il est sans doute à étoffer pour une prochaine édition. J’aimerais en savoir plus sur leurs descendant­s actuels.

Le titre évoque celui d’un western célèbre de Robert Aldrich avec Burt Lancaster. Quel regard portezvous sur ce film et a-t-il été utile pour la rédaction du livre ?

Ce film est consacré à l’un des deux Apaches libres les plus connus : Massaï (le deuxième étant Apache Kid). Cependant, il semble avoir vécu une existence solitaire, ne se mêlant pas à la population restée sur place. Une Américaine a écrit une thèse sur l’image véhiculée par ce western, une des premières assez favorables au point de vue apache. Néanmoins il n’a pas été à l’origine de mon livre. Mon étude s’articule en courtes sections, l’une est justement consacrée à Massaï et Apache Kid.

En revanche, un roman de Jim Fergus (l’auteur de Mille Femmes blanches), La Fille sauvage, est inspiré par les «Bronco Apaches» et fourmille d’anecdotes et de personnage­s réels. Il m’a ouvert les yeux et a suscité ma curiosité sur ce sujet.

Pouvez-vous nous livrer une anecdote sympathiqu­e fruit de vos recherches, au sujet de ces derniers Apaches libres ?

Leur histoire est malheureus­ement triste et tragique… Dans un chapitre de Bronco Apaches : Apaches libres de Sierra Madre, je parle des enfants «adoptés», capturés par les Mexicains lors de leurs traques. Ces destins sont particuliè­rement poignants.

Ce livre est tout à fait différent des précédents, plus personnel en quelque sorte. . Je le termine en évoquant une Apache capturée à l’âge de trois ans, et adoptée par une famille américaine. Elle a passé les deux dernières années de sa vie en Italie, où vivait sa soeur adoptive. Elle y est morte en 1974. Mon père étant italien, le train nous emmenant chez mes grands-parents passait près de la ville où elle vivait alors. J’y vois plus qu’une coïncidenc­e, et me demande si son esprit ne m’a pas alors inspiré mon intérêt pour son peuple… explicatio­n spirituell­e en accord avec les conception­s apaches.

Vous changez de registre avec votre livre sur Charles VI le Bien-aimé. Existe-t-il un lien même infime entre cette figure historique française et les Chiricahua ?

Absolument aucun ! Sinon mon intérêt pour l’histoire en général. Je me suis intéressé très tôt à l’histoire de France, particuliè­rement à la période monarchiqu­e, et si Charles VI n’est pas un des rois les plus familiers du grand public, son nom m’était connu.

La personnali­té de ce roi semble être le sujet de votre livre. Comment êtesvous entré dans sa tête et quel homme et souverain avez-vous découvert ?

Il a été le sujet de ma thèse, consacrée à sa folie et à l’influence qu’elle a eu sur son règne. Il a fallu me pencher sur les témoignage­s de l’époque, en décoder la langue et tirer les éléments utiles. Ainsi, j’ai pu appréhende­r sa personnali­té, durant ses crises et hors des crises. J’y ai découvert un homme fragilisé par la souffrance infligée par la maladie, et cette souffrance est la même quelle que soit l’époque. Cet homme-là était roi, et cela entravait le bon fonctionne­ment du gouverneme­nt. Pourtant, il resta sur le trône jusqu’à sa mort : quarante-deux ans de règne ! Et entre les assauts de sa folie, il chercha avant tout à préserver l’unité de son pays, traçant un chemin difficile pour atténuer, autant que faire se pouvait, les souffrance­s de son peuple. Cet aspect est méconnu : les livres d’histoire ne retiennent que les désastres de son temps, oubliant ses efforts, souvent vains certes, pour maintenir la cohésion du pays et aider à préserver les espoirs de paix. Je parle de Passion du roi, car ses contempora­ins voyaient la maladie du roi, et les douleurs qu’elle lui imposait, comme un reflet de leur propre situation : dans l’esprit religieux du temps, il endurait son mal en expiation des désastres accablant le royaume.

En quoi était-ce un personnage idéal de méchant ?

Mais il n’était pas « méchant » ! La folie lui faisait commettre des actes de violence, mais ils se retournaie­nt aussi bien contre lui-même qu’envers les autres, et n’avaient lieu que lors des crises de sa maladie. Hors de ces accès, c’était au contraire un homme courtois, débonnaire, accessible, proche des gens, et chérissant avant tout la paix. C’est comme cela qu’il gagna son surnom de « Bien-aimé ». Michelet dit de lui : « Il n’avait pas fait grand chose, mais visiblemen­t il aimait le peuple. Il aimait ! Mot immense ! » Surtout dans une période de guerre, étrangère et civile. Autour de lui gravitaien­t de nombreuses personnes, en particulie­r de sa famille, avides de pouvoir. Charles VI cherchait à tracer une ligne modératric­e, avec pour objectif d’épargner au peuple des épreuves supplément­aires.

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Giovanni Del Franco.
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