Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Royaume Uni : Theresa May perd son pari électoral
« Mais qu’est-ce qui est passé par la tête de Theresa May ? »,
s’interrogeait Ouestfrance à la veille du scrutin britannique dont les résultats s’annonçaient incertains. La question résonne sûrement encore dans les rangs du parti conservateur. Abasourdis, les Tories ont en effet perdu leur majorité absolue au parlement, en abandonnant douze sièges alors que leur cheffe de file comptait en récolter 30 supplémentaires par rapport au score de 2015. Alors, pourquoi donc la première ministre, jusqu’alors opposée au principe d’élections anticipées, a-t-elle décidé en avril dernier de programmer des législatives en juin ? Sans doute pour renforcer son autorité avant de mener les négociations avec l’union européenne pour la mise en oeuvre du Brexit. Vraisemblablement aussi pour jouir d’un leadership incontesté sur le camp conservateur alors que sa succession de David Cameron au 10 Downing Street était davantage le résultat d’un consensus que d’une adhésion à sa personne. Sans omettre un choix tactique à plus long terme, destiné à retarder à 2022 les législatives prévues en 2020, date jugée trop proche de la sortie effective de L’UE laissant craindre des effets négatifs sur l’économie du Royaume Uni. Raté ! « Le cauchemar électoral de May », titre le Times, après une campagne où la première ministre a été mise en difficulté sur les questions de sécurité, suite aux deux attentats terroristes survenus à quelques jours d’intervalle à Manchester et à Londres. Le premier a fait 22 morts et de nombreux blessés à la sortie d’un concert de la chanteuse américaine, Ariana Grande, où un kamikaze a provoqué une explosion. Le second a eu lieu à Londres. Deux mois seulement après l’attaque à Westminster, une camionnette a fauché des piétons sur le London Bridge puis trois assaillants armés de couteaux ont semé la panique dans le quartier proche et animé de Borough Market. Le bilan est lourd : huit morts (dont trois Français) et 48 blessés. Le leader travailliste, Jeremy Corbyn, n’a pas manqué de rappeler que la politique d’austérité menée par les conservateurs a réduit considérablement les effectifs dans la fonction publique et que la réforme portée par Theresa May, lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, a supprimé 20 000 postes de policiers en six ans.
Période d’instabilité
Au final, les Tories restent en tête au parlement mais le Labour fait figure de vainqueur en remportant 31 sièges. Une consécration pour Jeremy Corbyn. Longtemps contesté par les députés blairistes de son parti mais toujours soutenu par la base militante, il a fait preuve de ténacité et profité du vote massif des jeunes en orientant le débat sur la protection sociale qui ne cesse de se dégrader au Royaume Uni. « Notre campagne a changé la politique pour le meilleur », affirme-t-il, et pour mener l’opposition face à une Theresa May affaiblie par sa défaite personnelle et celle de huit de ses ministres. La première ministre forme néanmoins un nouveau gouvernement avec le parti unioniste nord-irlandais qui lui permet d’atteindre la majorité absolue au parlement. Les Britanniques s’attendent à une période d’instabilité politique car Theresa May pourrait pâtir du fort mécontentement des conservateurs à son égard. Pour le Daily Mirror, elle est « suspendue à un
fil ». Témoignant d’un pays très divisé, les législatives ont aussi fait chuter la Livre Sterling, la City n’ayant pas anticipé un tel résultat. Quant au Brexit, tout reste à faire. Les négociations doivent débuter le 19 juin. Inquiet, le président du Conseil européen, Donald Tusk exhortent les Britanniques de « faire le maximum pour éviter un no deal ! » A la Commission européenne, Jean-claude Junker craint un retard supplémentaire et ironise : « Nous pouvons ouvrir les négociations demain matin ». « Nous mettrons toute notre énergie pour mener à bien les négociations du Brexit », rassure Theresa May. Comme pour effacer son camouflé élecoral, elle ordonne vaillamment : « Maintenant, au travail ! »