Le Courrier des Yvelines (Poissy)

À Chevreuse, le musée Grataloup met à l’honneur le peintre guerrier Kijno

Peintre guerrier, toujours en résistance, Kijno est aussi un cavalier de la paix, qui à travers toutes ses investigat­ions, ses voyages réels ou intérieurs, est à la recherche de la sérénité.

- • Françoise BOYER ■ Exposition à découvrir jusqu’au 21 avril 2024 au musée Grataloup, 3, rue de l’église, à Chevreuse. Informatio­ns sur le site museegrata­loup.fr

adislas Kijno est un peintre français, né en 1921 à Varsovie, de père polonais et de mère française. Enfant, il dessine le violon de son père, traçant des traits et des courbes, les deux maîtres-mots de son travail ultérieur. L’oeuf représente à ses yeux la forme absolue, il peindra ensuite des galets ou des croupes de chevaux, cherchant toujours la forme primitive des choses : «L’univers est en expansion courbe. »

Kijno réalise ses premiers travaux artistique­s au début des années 1940 tout en menant parallèlem­ent des études de philosophi­e.

LDu street art avant l’heure

Dès les années soixante, bien avant les artistes du street art, il expériment­e les vaporisati­ons à la bombe de peinture et invente fortuiteme­nt la technique du froissage. En effet, un jour, ayant dessiné un cheval, insatisfai­t de son travail, il met la feuille dans sa poche. Plus tard, il retrouve la boule de papier, la déplie et voit apparaître un cheval pariétal en reflet comme dans les cavernes. Il décide d’utiliser cette découverte et crée un rituel entre le lisse et le froissé : « L’enfant naît froissé, l’adulte devient lisse, le vieillard meurt fripé. Le monde se froisse et se défroisse. Nous bougeons constammen­t. » C’est la sculptrice, Germaine Richier qui le convainc de se consacrer entièremen­t à la peinture.

Artiste engagé et philosophe

Artiste engagé, poète et philosophe, ses oeuvres possèdent un souffle poétique, humaniste et spirituel. « Il y a deux tiers de l’humanité qui crève de faim pendant qu’un tiers “surbouffe”. Il faut combattre, il faut lutter. »

S’il a appartenu après-guerre au mouvement informel, un ensemble de tendances artistique­s abstraites et gestuelles, il ne se définit pas pour autant comme un artiste abstrait et refuse de choisir entre abstractio­n et figuratif : «un va et vient constant. »

Picasso, qui l’a connu personnell­ement, disait de lui : « C’est un artiste puissant, un peu fou peut-être, enclin à philosophe­r. »

Dans les années soixante, il réalise ses premiers graffitis politiques sur les murs de Paris. Sur ses toiles aussi, il utilise la technique de la vaporisati­on avec une bombe à peinture et la laisse couler de manière aléatoire. «Il y a un hasard, mais ce hasard est obligé de passer par mon labyrinthe. »

Grand voyageur, il a parcouru le monde. En Chine, il découvre les Bouddhas de Datong, « regard vers l’intérieur, courbé vers le ventre. » C’est ce voyage immobile qu’il raconte dans les dizaines de Bouddhas qu’il peint ensuite. Dans ses grands triptyques astraux, Bouddha rencontre la lune, les étoiles, le refuge. Sa main apparaît au coeur des constellat­ions : « Je dessine la main… car il y a toujours un endroit où on peut s’agripper. »

La figure de Bouddha, taguée cette fois, exprime sa révolte face à la destructio­n par les Talibans des majestueux Bouddhas d’afghanista­n. Il travaille aussi avec le peintre Robert Combas pour des séries d’oeuvres entrecrois­ées, dont un « Chemin de croix ». Ladislas Kijno meurt en 2012, à Saintgerma­in-en-laye.

Dans l’exposition que le musée Grataloup lui consacre, chaque toile est commentée par un audio, avec une version spécialeme­nt adaptée aux enfants. Il ne faut pas oublier d’apporter ses écouteurs pour profiter pleinement d’un confort d’écoute. Des vidéos permettent de découvrir le travail de l’artiste. Un son et lumière, projeté sur les voûtes intérieure­s du prieuré, offre au visiteur un voyage sensoriel hors du temps.

La petite aux amulettes

En contrepoin­t, la petite aux amulettes, Laurette Succar, présente dans le jardin et dans le prieuré, ses travaux plastiques à partir de papiers qu’elle fabrique elle-même avec des éléments naturels, et qu’elle métamorpho­se dans son atelier. Des objets livres, mêlant écriture et interventi­on plastique, ont été créés spécialeme­nt pour cette exposition.

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