Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Pauvres Créatures

- • Pierre LIMAT

Le travail d’emma Stone chez Yorgos Lanthimos est une belle illustrati­on de l’expression « sortir de sa zone de confort ». Révélée grâce à ses talents comiques, l’actrice s’était bien sûr aventurée du côté du drame (La Couleur des sentiments), du polar (Gangster Squad), des super-héros (The Amazing Spider-man) et de la comédie musicale (La La Land, qui lui avait valu un Oscar en 2017).

Mais la mise en danger n’était pas aussi poussée que chez le réalisateu­r grec, que le grand public commence à identifier depuis The Lobster. Si La Favorite paraissait plus accessible, Pauvres Créatures pousse au maximum les curseurs de son univers, où la bizarrerie est un art de vivre.

Inspiré du roman homonyme d’alasdair Gray, qui revisite le mythe de Frankenste­in au féminin, le long métrage suit le voyage, extérieur et intérieur, de Bella, ramenée à la vie grâce au cerveau de l’enfant qu’elle portait. Un esprit d’enfant dans un corps d’adulte, pour un récit d’apprentiss­age accéléré, radical, cru, drôlement étrange (ou étrangemen­t drôle) et sans cesse surprenant.

Des couleurs vives des ciels, décors et costumes à la musique parfois dissonante, en passant par les actions inattendue­s de son héroïne, le film ne prétend jamais être confortabl­e mais l’odyssée vaut le coup pour qui saura y adhérer et se laisser porter par ses ruptures de ton, ses angles inquiétant­s et son imprévisib­ilité.

Et que dire de la performanc­e d’emma Stone ? Ses partenaire­s masculins (Willem Dafoe et Mark Ruffalo en tête) donnent le meilleur d’eux-mêmes mais elle réussit à aller au-delà. Il s’agit assurément de la meilleure prestation de sa carrière, mais également de l’une des plus dingues vues sur petit et grand écran ces dernières années. De quoi faire d’elle la favorite à un second sacre aux Oscars, point final du parcours réussi de Pauvres Créatures, récompensé à Venise (Lion d’or) et aux Golden Globes.

A juste titre. Car s’il est encore trop tôt pour faire des bilans, nul doute que le film sera cité parmi les meilleurs de 2024. Si ce n’est le meilleur.

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