Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Le trio du Chili voulait braquer les horlogers de tous les grands centres commerciau­x

- • F. D.

Ils ont bien essayé de pipeauter le tribunal de Versailles. En vain.

Trois Chiliens, âgés de 32 à 38 ans, ont été condamnés à des peines de 4 et 5 ans de prison avec incarcérat­ion le vendredi 8 mars 2024. Nataly, William et Johan sont tombés dans le filet de la Brigade de répression du banditisme (BRB) de Paris trois jours plus tôt, le mardi 5 mars. Le trio venait de s’emparer de 45 montres Festina et de 870 euros dans un magasin éphémère du Centre commercial Westfield Parly 2 du Chesnayroc­quencourt (Yvelines).

Sans oublier un petit-coffre de 30X40 centimètre­s… Petit, mais au contenu précieux : Rolex, Hermès, Jaeger-lecoultre, Baume & Mercier, Breitling, Cartier ou encore Chaumet… Toutes ces montres attendaien­t d’être réparées. Il y en avait pour plus de 140 000 euros.

Surveillés jusqu’au flagrant délit

La bande est passée à l’action aux alentours de 20 heures, ignorant que les policiers n’attendaien­t que le flagrant délit pour leur passer les pinces. Les fonctionna­ires étaient en embuscade dans le centre de sécurité et à l’extérieur. Ils ont bien vu Nataly, chapeau noir vissé sur la tête et écharpe sur le nez, surveillan­t les alentours. Les deux autres n’avaient plus qu’à jouer du pied de biche. Le repérage avait été fait trois jours plus tôt. Également sous la surveillan­ce discrète de la BRB.

Ces interpella­tions ne sont pas le fruit du simple hasard. Le trio était dans le collimateu­r des policiers depuis un moment. Pisté. Au sens propre.

Juin 2023 à Montesson (Yvelines). Juillet 2023 à Montigny-le-bretonneux et Collegien (Seine-et-marne). Août 2023 à Buchelay, Saran (Loiret) et Nantes (Loire-atlantique)… À chaque fois la bande a attaqué la même enseigne : Wefix. Leurs visages ont été observés sur les enregistre­ments vidéos. Comme leur méthode, toujours identique : attendre la fermeture des magasins, guetter, fracturer, voler, partir avec des montres, des téléphones, des coques et des protection­s vitrées. Il ne restait plus qu’à les retrouver.

Le retour de Hollande

Fin février 2024, un renseignem­ent anonyme va tout changer. Le trio est de retour de Hollande. Ils ont passé la frontière à bord de leur Renault Scénic. Ils se sont installés dans un hôtel bas de gamme de Savigny-sur-orge (Essonne). Et ils comptent bien écumer la région parisienne. La preuve viendra plus tard. Dans le téléphone de l’un, toutes les recherches Internet concernent les bijouterie­s et horlogerie­s de tous les centres commerciau­x d’île-de-france. Il était donc temps de les arrêter.

Espagne, Allemagne, Italie... Ils écumaient l’europe

Aux premières heures de la garde à vue, les noms des trois renvoient à de petits antécédent­s judiciaire­s français.

Les autorités chiliennes collaboren­t de bonne grâce, notamment pour confirmer les identités. Et là, c’est une avalanche de délits qui déferle sur le bureau des enquêteurs. Ils n’auront pas à creuser bien loin pour faire ressortir des dizaines de vols ou de signalemen­ts dans toute l’europe : Espagne, Allemagne, Pays-bas, Italie… Sans compter les mandats de recherches qui tombent les uns après les autres.

❝ « Ce sont des voleurs chevronnés qui ne sont venus en Europe que pour voler. Ils agissent vite et passent d’un pays à l’autre.» UNE SOURCE POLICIÈRE.

« Je suis venue pour que mon épouse soit prise en charge par la France »

Face aux juges ce vendredi, Nataly tient de ses deux mains son ventre arrondi. Elle est enceinte de 7 mois. À sa gauche, il y a son mari. À sa droite, son complice.

Entre deux sanglots de la future maman, l’époux tente une défense. « Je suis venu pour que ma femme soit prise en charge par la France car en Hollande, c’est trop cher. »

« Apparemmen­t, vous passez plus de temps dans les centres commerciau­x que chez le médecin », assène la juge.

« Je vous jure que ma femme n’était au courant de rien. Elle mangeait une glace. »

Sur les vidéos du centre, point de cornet dans la main. Mais un téléphone pour communique­r avec ses complices.

Croix de bois, croix de fer… « Ces montres devaient être revendues porte de Clignancou­rt pour payer l’hôtel », assure William.

«C’est marrant cette idée. Payer l’hôtel? Alors que vous aviez plus de 1000 euros sur vous et de nombreuses cartes bancaires? Allons…», s’amuse la juge.

La suite n’est qu’une série de bonnes excuses. «Je ne faisais pas de repérage. Je téléphonai­s à mon fils qui est ado… Je me suis mise avec les mauvaises personnes », tente Nataly.

« Ils sont venus ratisser chaque pays »

William et Johan se contentent de reconnaîtr­e, de demander pardon et de plaider l’état de nécessité.

Pas de quoi duper la procureure de la République. Elle sait qu’elle se trouve face « à une équipe de trois malfaiteur­s avec un process très organisé. Ils sont venus en Europe pour ratisser chaque pays ! »

La magistrate réclame des peines de 4 et 5 ans. Nataly éclate et cache sa tête dans le creux de l’épaule de William. Le troisième larron reste de marbre.

Il ne faudra pas des heures au tribunal pour prononcer l’incarcérat­ion assortie d’une interdicti­on définitive du territoire.

Nataly se tourne vers son mari. Une main posée sur sa joue, une autre serrant un mouchoir, elle murmure des mots en espagnol. Et le trio disparaît dans les geôles.

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