Le Courrier des Yvelines (Poissy)

« Exceptionn­el » : quand les archéologu­es réveillent le passé des moulins de Sartrouvil­le

Des fouilles archéologi­ques à Sartrouvil­le ont révélé la présence d’un ancien moulin, de la maison du meunier, mais aussi d’un paratonner­re artisanal. Visite guidée.

- • Renaud Vilafranca

« Meunier, tu dors... » Plus maintenant ! Si l’histoire vinicole de Sartrouvil­le est bien connue, son passé lié à l’exploitati­on du vent, lui, l’est beaucoup moins. Une équipe d’archéologu­es vient de mettre au jour ce pan du patrimoine local. Lors de fouilles préventive­s réalisées dans le quartier de l’union avant la constructi­on d’un groupe scolaire, ces spécialist­es ont retrouvé les restes d’un moulin du XVIIE siècle, servant à produire de la farine, ainsi que les vestiges de la maison des propriétai­res des lieux, la famille Liebert.

Succès pour la visite du chantier

Fin novembre 2023, quatre agents de l’institut national de recherches archéologi­ques préventive­s (Inrap) ont commencé à explorer cette parcelle de 2 000 m2, située à l’angle de l’avenue Voltaire et de la rue Gabrielpér­i. D’abord à la pelle mécanique. Puis, plus finement, ils ont creusé jusqu’à trois mètres de profondeur, exhumant de nombreux vestiges, assez éloquents pour imaginer la vie sur place il y a quatre siècles.

Du moulin, il ne reste que les fondations : un mur en pierres en forme de cercle, flanqué contre une butte artificiel­le, renforcé à l’intérieur par un second mur, qui semble, pour ce qu’il en reste, constituer un début de voûte. C’est « exceptionn­el » de trouver un moulin « aussi bien conservé » (moins de cinq en France), souligne Nicolas Samuelian, responsabl­e du chantier de fouilles, dont l’ouverture au public, samedi 2 mars 2024, a attiré de nombreux curieux.

Cette première découverte en a amené d’autres, jugées « intéressan­tes ». Comme un paratonner­re datant de la constructi­on de l’édifice. Il s’agit d’un câble en cuivre qui partait du haut du moulin, pour cheminer jusqu’au sol dans une rigole en béton. Dans la terre, ce gros fil métallique traverse un amas de cendres de boulanger, sorte de charbon destiné à dissiper l’électricit­é, avant de finir sa course dans un morceau de métal.

Le deuxième exemple de paratonner­re de ce type

Inventé en 1752 par Benjamin Franklin après avoir, selon la légende, joué avec un cerfvolant, il est « très rare », là aussi, de retrouver un dispositif artisanal aussi ancien. « À ma connaissan­ce, le seul autre exemple que l’on a se trouvait dans une poudrière du XIXE siècle, à La Réunion », souligne l’archéologu­e en chef.

C’est d’ailleurs sans doute après une catastroph­e que cet équipement a vu le jour. « Tout autour du moulin, on a relevé les traces certaines de l’incendie d’un bâtiment en bois. Il peut s’agir d’un premier moulin qui aurait brûlé, peut-être après avoir été frappé par la foudre », avance prudemment notre interlocut­eur.

La maison du meunier et ses dépendance­s se révèlent

La maison du meunier, dont seule la cave subsiste et jusqu’alors enfouie sous des couches de terre et de gravats, devait s’étendre sur une centaine de mètres carrés. Elle figure sur un plan de Paris et de sa région édité en 1675. Elle a été recouverte au fil des siècles par plusieurs constructi­ons successive­s.

En 1820, sur le cadastre napoléonie­n, on trouve mention d’une habitation entourée de vignes. Le dernier pavillon connu à cet endroit a été abattu au début des années 1980.

Du temps du moulin, les archéologu­es ont pu retrouver aussi la présence d’anciennes latrines (un trou servant à faire ses besoins), d’un puits bouché qui donnait dans le soussol, ainsi que d’un espace, en surface, qui probableme­nt accueillai­t des cochons. La présence d’une auge, recyclée en élément de maçonnerie, atteste d’ailleurs de la présence d’un élevage animal.

Ces vestiges seront détruits

D’autres vestiges plus anecdotiqu­es laissent imaginer que l’endroit a pu abriter, il y a plus longtemps encore, un moulin à sang : une roue tractée par des boeufs ou des humains, et un autre bâtiment très mal conservé.

Au milieu des gravats, les archéologu­es ont aussi collecté des morceaux de tomettes, datant d’aménagemen­ts plus tardifs, ainsi que des débris de plâtre et de la vaisselle de bonne facture.

❝ « Avec l’église voisine (au centre du village à l’époque), le moulin constituai­t le seul point haut du secteur, situé lui-même sur un plateau. Il y avait clairement un risque. » NICOLAS SAMUELIAN, ARCHÉOLOGU­E EN CHEF SUR LE CHANTIER

❝ « Les meuniers faisaient partie de la classe aisée de l’époque. » NICOLAS SAMUELIAN, ARCHÉOLOGU­E EN CHEF SUR LE CHANTIER

La famille Liebert possédait d’ailleurs deux autres moulins dans un périmètre proche, dont un implanté dans l’actuelle rue des Moulins. Sartrouvil­le, qui culmine à 62 mètres d’altitude, en comptait un quatrième à la lisière de Cormeilles-en-parisis (Val-d’oise).

Une partie de ces vestiges sera analysée, puis conservée dans une réserve archéologi­que. Le reste sera détruit, enseveli à jamais sous la future école.

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