Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Des « Rustres » à Saint-germain
« À la maison ! C’est moi qui commande ». Le ton est donné, on ne s’amuse pas chez Lunardo, l’un des Rustres ; pas question d’aller s’encanailler au Carnaval de Venise. Les Rustres se moquent de la bourgeoisie commerçante vénitienne et nous présente des hommes aussi bornés, râleurs qu’intolérants et dont la méfiance à l’égard de la gent féminine confine à l’absurde. De leur côté, les femmes se liguent pour arriver à leur fin et obtenir ce qu’elles visent, un peu de liberté, un peu de compréhension, un peu d’amour. En réalité, l’appartement de Lunardo est une prison : aux persiennes des fenêtres, les femmes rêvent de liberté et tentent de radoucir ces sauvages ou de les rendre encore plus ridicules.
Le mot du metteur en scène, Jean-louis Benoît : « Ne renvoyer des Rustres que l’éternel problème entre les sexes et les générations serait limiter considérablement la pièce. Ces honnêtes marchands, farouches, crispés, constamment sur la défensive, sont, en fin de compte, des hommes qui ont peur. En 1760, la société de Venise est en déclin, l’immobilisme politique ne faisant qu’aggraver la stagnation économique. La bourgeoisie marchande se révèle incapable de devenir une classe consciente, hégémonique. Nos bourgeois sont des bourgeois ratés : impuissants, dévirilisés, ils ne feront pas à Venise leur révolution. S’enfermant dans leur obstination têtue d’hommes exemplaires et incompris, ils découvrent avec effroi que la culture des Lumières pénètre maintenant dans leur bonne ville. Ils font fermer portes, fenêtres, interdisent les balcons aux femmes, les divertissements, théâtre et carnaval, ne cessent de maudire le mode de vie actuel et en définitive, aigres et désemparés, se replient sur eux-mêmes, sur l’évocation nostalgique de leur passé, tout ça étant la faute de la liberté. Alors ces méchants réactionnaires se mettent à éprouver un besoin irrépressible : le régime autoritaire. »