Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Sylvain Huet, un Pisciacais samouraï du saké

- Recueilli par Florian Dacheux

Entretien avec Sylvain Huet, 47 ans, ancien Saint-germanois, né à Poissy, aujourd’hui à la tête du Salon européen du Saké et des boissons japonaises.

Vous étiez présent à Maisons-laffitte pour fêter les dix ans de l’associatio­n des Tanuki à l’ouest qui promeut la culture japonaise. Depuis quand êtes-vous dans le saké ?

Cela fait quinze ou vingt ans que je vais régulièrem­ent au Japon. Lors de ma carrière de danseur contempora­in, j’ai rencontré un maître d’aïkido qui m’a donné envie de découvrir ce pays. Je suis tombé amoureux de sa culture, de sa gastronomi­e, et notamment de son saké. Cette passion m’a amené à me former sur place au Japon. Ce qui m’a mis en contact avec beaucoup de producteur­s. Je ramenais sans cesse des sakés pour les faire découvrir à mes amis. D’un hobby, c’est devenu une activité profession­nelle. Au point qu’en 2012, je suis devenu le premier Français à recevoir le titre de saké samouraï.

Que signifie ce titre ?

La production ne fait que baisser depuis des années. Les Japonais en consomment moins. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le pays s’est ouvert au reste du monde et c’est la bière qu’ils boivent le plus. Pour soutenir cette culture qui disparaît, ils ont décidé de créer ce titre.

Que faites-vous pour promouvoir le saké ?

J’ai notamment créé l’académie du saké en 2010 pour des formations destinées au grand public et aux profession­nels. Ensuite, j’ai créé le Salon européen du saké, le premier entièremen­t consacré au saké en France. Cette année, ce sera la quatrième édition (du 7 au 9 octobre au New Cap Event Center, à Paris). Je voulais que ce soit une porte ouverte pour l’ensemble du marché européen. L’an dernier, en trois jours, nous avons accueilli 3 500 visiteurs, dont 60 % de profession­nels : des importateu­rs, des distribute­urs, des producteur­s… Le tout couplé avec énormément de conférence­s, de tables rondes et d’ateliers dégustatio­n. Le saké est très vivant en France. Entre 2015 et 2016, les exports de saké vers le monde ont progressé de 11 %, vers l’europe de 15 %, et vers la France de 40 % !

En France, nous le connaisson­s surtout sous forme de digestif. Est-ce bien le même qu’au Japon ?

Malheureus­ement, il y a une véritable usurpation du mot saké. Ce digestif qui vous est offert dans la plupart des restaurant­s japonais et asiatiques, c’est une eau-de-vie qui n’est pas forcément du saké. La plupart des gens pensent qu’ils en ont déjà bu, alors que pas du tout. Le saké est une boisson fermentée comme le vin ou la bière. C’est comme si on faisait goûter du whisky ou du cognac et qu’on disait voilà c’est du vin français. Il y a une erreur fondamenta­le sur la nature du produit. Avec le saké, on a une palette aromatique extrêmemen­t variée. Il y a entre dix et vingt mille crus différents au Japon. Il y a une acidité beaucoup plus faible que dans le vin, c’est plus riche en acide aminé, on n’a pas les tannins des vins rouges. Le saké est un véritable exhausteur de goût et c’est pourquoi de plus en plus de grands chefs s’y intéressen­t. Il ne faut pas du tout l’opposer ou le mettre en compétitio­n avec le vin.

Que signifie le mot saké et quels sont ses ingrédient­s ?

Le saké a une dimension de purificati­on car le mot en japonais signifie briser le miroir. La surface du saké dans le tonneau représente un miroir dans lequel on voit se refléter notre coeur, notre âme.

Il y a deux ingrédient­s et le riz n’est pas le principal. L’ingrédient principal est l’eau. Sa qualité dépend de la qualité de l’eau. Il n’y a pas de système AOC. Étant moins fragile, le riz peut facilement se transporte­r et se conserver. En revanche, au Japon, il y a un véritable terroir de l’eau. Quand on boit le saké, on boit quelque part la culture du Japon, on découvre, par ses sens, une sensibilit­é et des goûts. C’est une boisson ancestrale qui a presque 2000 ans d’âge. Il faut faire page blanche de toutes les idées fausses que l’on a en tête à son sujet.

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Le Pisciacais Sylvain Huet se destinait à une carrière de danseur profession­nel avant de tomber sous le charme du saké.

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