Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

May December

- • Pierre LIMAT

Vu de France, May December ne manquera pas de faire sourire quelques téléspecta­teurs qui aimaient frémir le dimanche soir sur le service public. Pas tant pour les quelques traits d’humour et d’ironie du nouveau film de Todd Haynes, mais pour sa musique : ces quelques notes de piano qui ont servi pour le générique de Faites entrer l’accusé, mais proviennen­t en réalité de la bande-originale composée par Michel Legrand pour Le Messager de Joseph Losey.

Et de fait divers, il en est question dans ce drame inspiré d’une histoire vraie : celle de Mary Kay Letourneur, professeur­e américaine âgée de 34 ans tombée enceinte de l’un de ses élèves, qui n’en avait que 12, en 1997.

Condamnée à six mois de prison (dont trois avec sursis), puis sept ans et demi lorsqu’elle a violé sa probation en 1998, elle s’appelle ici Gracie Atherton Yoo, et voici débarquer chez elle Elizabeth Berry, l’actrice qui doit l’incarner dans un long métrage revenant sur l’affaire.

Quite à pousser le mimétisme un peu trop loin. On pense bien sûr à Persona, le classique d’Ingmar Bergman, qui reposait sur un duo et le même type de ressorts narratifs, face au trouble qui se dégage de cet opus qui joue sur la mise en abyme et les non-dits.

Armé de son clacissime habituel, qui est tout sauf un gros mot dans son cas, le réalisateu­r brode une intrigue envoûtante, qui avance par petites touches et s’amuse à remettre nos certitudes en question. Il est bien difficile de savoir à qui l’on peut se fier, et May December se plaît à jouer sur cette ambiguïté vis-à-vis des intentions d’Elizabeth. Si Charles Melton (interprète du mari de Gracie, vu notamment dans la série Riverdale) tire son épingle du jeu, le film vaut aussi et surtout pour le duel au sommet entre Natalie Portman et Julianne Moore, absolument impeccable dans ce jeu retors qui, au premier abord, pourrait ne pas payer de mine et passer pour un titre mineur dans la filmograph­ie racée de son auteur. Mais son effet se diffuse avec le temps, au gré de détails qui prennent parfois leur sens après le visionnage et appuient sa puissance d’envoûtemen­t.

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