Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Odeur insupportable, air irrespirable : ils veulent que cette usine de biomasse parte loin
Des riverains, regroupés au sein du collectif Respire78 dénoncent la pollution olfactive et la poussière générée par l’usine de valorisation de biomasse Inoé, implantée en bord de Seine à Vernouillet. Ils demandent le départ de l’usine.
À Vernouillet, depuis 2020, l’usine Inoé de valorisation de biomasse en bois de chauffage et énergie est devenue le cauchemar des riverains. Sur place, non loin du site, l’odeur et les difficultés à respirer sont évidentes. Elles saisissent le nez et la gorge.
Les habitants du secteur, jusqu’à Triel-sur-Seine, reprochent à Inoé la pollution olfactive, les rejets de copeaux de bois et, surtout, le fait d’avoir du mal à respirer depuis que l’usine est présente. Ils se sont regroupés au sein du collectif Respire78 en septembre 2023.
Les poussières de bois sous le feu des critiques
Située en bord de Seine, l’usine récupère du bois issu des chantiers, des palettes ou encore des déchets verts pour le broyer à ciel ouvert et en tirer des copeaux qui serviront à alimenter des chaudières à bois d’usines ou d’immeubles collectifs.
Ce sont les poussières de bois qui sont sous le feu des critiques des riverains. « On a commencé à faire un tour dans le voisinage, se souvient Luc, qui habite de l’autre côté de la rive, à Triel-sur-Seine. On s’est rendu compte qu’on n’était vraiment pas les seuls. On a fait un tractage et on a eu des dizaines de réponses. »
Plusieurs milliers de personnes concernés selon le collectif Respire78
Luc est à l’initiative de la création du collectif Respire78, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de membres. « Mais on est des milliers concernés (cette pollution impacterait 6 000 à 7 000 habitants selon le collectif, N.D.L.R.) et de nombreuses personnes nous suivent sur les réseaux sociaux », souligne Elsa, venue avec Luc sur place ce jour-là.
« Et en même temps, vous avez des poussières de bois, on les voit sur les côtés », montre Luc en prenant dans ses mains des particules, particulièrement visibles sur les voitures ventouses du chemin de Medan.
« Impossible de sortir dans notre jardin »
Le Courrier des Yvelines a pu consulter les premiers témoignages reçus par le collectif dès septembre 2023. Comme celui-ci : « J’habite chemin des Nourrées à Triel, raconte cette riveraine. Depuis longtemps (au moins 2 ou 3 ans), nous sommes dérangés par des odeurs insupportables. »
Elle ajoute : « J’ai remarqué que depuis l’hiver dernier, mon mari, qui a plus de 60 ans, s’est mis à tousser. Il a du mal à respirer alors qu’il n’a jamais eu aucun souci dans le passé. »
« À la fin de l’année dernière, à peu près à la même époque, à certains moments, l’air était irrespirable, témoigne une autre habitante. Impossible d’aérer ma maison et impossible de travailler dans mon jardin tant cela était insupportable. »
« Nos enfants commencent à avoir de l’asthme »
« On évoque les odeurs qui peuvent être insupportables, mais le vrai problème, ce sont les poussières de bois, vu qu’on les respire, répète Elsa. De nombreux riverains ont développé des problèmes respiratoires avec une accentuation depuis un an. On s’est rendu compte que le volume de traitement de bois avait augmenté. »
Elle poursuit : « On a d’autres témoignages où l’on nous dit : “Nos enfants commencent à avoir de l’asthme, on a de la toux chronique, on a de la conjonctivite, ou encore des problèmes ORL.” Ils nous racontent [aussi] qu’une fois partis en vacances, ils vont beaucoup mieux. »
Elsa éprouve les mêmes symptômes. « J’ai des problèmes ORL, une rhinite chronique. Et mon a fils aussi du mal à respirer, mais ça s’en va une fois qu’on part en vacances. » « Depuis un an, j’ai de l’asthme alors que je n’en ai jamais eu auparavant », ajoute Luc, âgé de 65 ans.
L’inhalation des poussières de bois, un vecteur de cancers
Dans la maison de santé de Triel-sur-Seine, une affiche collée au mur demande d’ailleurs aux patients ayant ces mêmes troubles respiratoires de se signaler. À ce jour, aucun lien entre l’activité de l’usine et les affections évoquées n’a encore été établi par les autorités publiques.
Selon cancer-environnement.fr, « les effets de l’inhalation des poussières de bois sur la santé sont [pourtant] une problématique importante de santé publique ». « Les poussières de bois, est-il ajouté, peuvent être inhalées notamment par les personnes exposées dans le cadre de leur travail. Cette inhalation peut être à l’origine de nombreuses maladies de l’appareil respiratoire, des yeux et de la peau, l’affection la plus grave étant le cancer des fosses nasales ou des sinus de la face (cancer naso-sinusien). »
L’usine Inoé mise en demeure par la préfecture
Fin janvier 2024, le collectif Respire78, qui demande le départ de l’usine, a rencontré les équipes de la préfecture des Yvelines, de l’Agence régionale de santé (ARS) et de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) à la souspréfecture de Saint-Germainen-Laye.
❝ « Il y a des matins, on est dans un brouillard de fumée qui provient de l’usine, avec une odeur infecte à ne pas pouvoir sortir. » LUC, MEMBRE DU COLLECTIF RESPIRE78
❝ « Ces odeurs insupportables envahissent notre quartier plusieurs fois par semaine. Lorsque cela arrive, il est quasiment impossible de sortir dans notre jardin et l’odeur s’infiltre même dans la maison. » UNE HABITANTE DE TRIEL-SURSEINE
La préfecture a depuis annoncé avoir mis en demeure l’usine Inoé, lui ordonnant de limiter ses émissions d’odeurs et, d’autre part, de faire réaliser une analyse des rejets de poussières par un organisme agréé.
Contactées, la DRIEAT, la préfecture et l’usine Inoé n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
Une nouvelle rencontre en sous-préfecture à l’agenda
Dans trois mois, le collectif de riverains sera à nouveau convié à la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye pour une nouvelle rencontre. Respire78 estime déjà qu’il va être difficile à Inoé de « limiter les odeurs sur un site de production à ciel ouvert ».
En attendant, le collectif continue de tenir un journal de signalements des odeurs et des poussières en concertation avec la DRIEAT. « On en a environ une centaine par mois », confie Luc.