Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
Scandaleusement vôtre
Le cinéma anglais possède, entre autres qualités, cette capacité à raconter des histoires vraies qui nous sont méconnues. Et qui ont parfois changé le cours de l’Histoire, comme Un espion ordinaire et son représentant de commerce qui a aidé à empêcher que la Troisième Guerre Mondiale n’éclate. Ou le récent Une vie, et son homme d’affaires dont le courage a permis de sauver 669 enfants juifs de la déportation.
Scandaleusement vôtre ne rentre pas dans cette catégorie, car basé sur des faits qui relèvent plus de l’anecdote, mais le carton qui ouvre le film de Thea Sharrock (Avant toi) est plus que bienvenu tant il permet, non seulement, de croire à ce qui se déroule sous nos yeux, mais accroît notre étonnement face au récit.
Celui de cette femme, Rose Gooding (l’énergique Jessie Buckley), irlandaise haute en couleur accusée d’être à l’origine des lettres injurieuses envoyées à plusieurs habitants de la ville de Littlehampton, dans les années 20. Dont Edith Swan (Olivia Colman, toujours aussi à l’aise dans la comédie).
Une affaire remontée jusqu’aux oreilles du gouvernement et dont s’empare la policière Gladys Moss (Anjana Vasan), malgré l’avis de ses supérieurs masculins. Voir des actrices dire et lire autant de gros mots le temps d’un long métrage est évidemment jubilatoire, et Scandaleusement vôtre est généreux sur ce plan. Mais il sait aller plus loin. Au croisement de la comédie policière et de moeurs, il s’ancre dans le siècle précédent pour parler du nôtre, et notamment de la place des femmes dans la société, les injures étant leur manière (pour Rose surtout) de sortir du cadre établi par le patriarcat. Non content d’être drôle et bien interprété, le long métrage parvient alors à être pertinent.
Et même émouvant sur la fin. Car même si elle nous tient en haleine, la quête de la personne derrière les lettres anonymes est finalement moins un but qu’une manière de regarder le présent. Et de montrer que, malgré les progrès effectués depuis, il reste encore du chemin à parcourir cent ans plus tard. Pas si anecdotique que ça donc.