Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Le cortège de mariage tchétchène sème la panique sur l’autoroute A10

- • F. D.

Un cortège de mariage a semé la panique sur l’autoroute A10, entre le Loiret et les Yvelines. 60 kilomètres pendant lesquels les fêtards ont privatisé la route.

Un cortège de mariage tchétchène a semé le chaos sur l’autoroute A10 en traversant trois départemen­ts : le Loiret, l’Eure-et-Loir et les Yvelines. Une dizaine de voitures, a minima, ont littéralem­ent privatisé l’autoroute sur près de 60 kilomètres entre Saran (Loiret) et Saint-Arnoult-Yvelines. Le tout en semant une telle pagaille que les services d’urgences ont presque été saturés par les appels des autres automobili­stes paniqués, agacés voire les deux. Eux revenaient tranquille­ment de vacances pour la zone B.

Vendredi 15 mars 2024, deux participan­ts à ce cortège ont comparu devant le tribunal de Versailles. Âgés de 22 et 24 ans, originaire­s de la Fédération de Russie, mais Tchétchène­s avant tout, ils conduisaie­nt une Audi RS 6 et une BMW série 3.

«Des enfants étaient à bord»

C’est en fin de matinée, le dimanche 10 mars 2024, que les gendarmes sont alertés. Il est aux alentours de midi. Drapeaux de la Tchétchéni­e au vent, caméraman assis sur une portière… Tout un groupe de voitures s’est élancé de la région d’Orléans pour rejoindre l’Essonne. Il y a de la joie dans les habitacles. Trop.

«Certains se sont alignés sur l’autoroute pour forcer les autres voitures à ralentir, en roulant à environ 60 km/h. Cela permettait à des grosses cylindrées de faire de puissantes accélérati­ons, de couper toutes les voies de circulatio­n. Parfois, ils s’amusaient à zigzaguer les uns entre les autres. D’autres ont roulé ou se sont arrêtés sur la bande d’arrêt d’urgence et sont sortis des voitures… Des enfants étaient à bord», rapporte le dossier.

Deux automobili­stes sont finalement stoppés par les gendarmes. Un autre a réussi à prendre la fuite. Un mandat de recherches a été délivré à son encontre.

❝ « Oui, j’étais dans le cortège comme tout le monde. Je ne comprenais pas pourquoi cela ralentissa­it. Comme je trouvais cela dangereux, j’ai accéléré pour partir devant. Cela a attiré d’autres voitures, même

des gens qui ne faisaient pas partie du cortège et qui voulaient faire la course. Je ne voulais pas, personne ne voulait privatiser l’autoroute. Oui j’ai profité de cette Audi, car ça craint d’être en Clio 3 dans un cortège de mariage. » ANTHONY, QUI CONDUISAIT L’AUDI

« Ça craint d’être en Clio 3 dans un cortège de mariage »

Le procès commence comme le départ d’une course automobile. On cite les puissantes voitures : surtout des BMW mais aussi la fameuse Audi RS 6 verte, la Lexus des mariés, une Cupra Formentor… Toutes ont joué sur l’A10 comme dans un jeu vidéo.

Anthony, au volant de l’Audi, commence à battre sa coulpe avec un verbe posé et choisi. Il décide de donner sa véritable identité, dédouanant son frère pour lequel il s’était fait passer.

La juge le reprend. « Vous racontez cela avec une banalité déconcerta­nte ! »

Et le prévenu de rétorquer : « Je suis le seul à m’être arrêté dès que les gendarmes nous ont demandé de les suivre. »

« Je n’avais pas assez de chevaux pour aller vite »

À côté de lui, son homologue de run assure ne pas avoir pris plus de risque que cela. « On roulait souvent à une vitesse bien inférieure à celle d’une autoroute. Je n’ai pas bloqué les autres voitures. Ni fait de grosses accélérati­ons. Je n’avais pas assez de chevaux pour aller aussi vite. »

Bref, le duo soutient avoir été pris dans le piège de plus farouches écraseurs de champignon­s. L’effet de groupe donc… Et le manque d’organisati­on. « Je ralentissa­is souvent car je ne connaissai­s même pas l’adresse du mariage. On attendait les autres», assure Anthony.

Le jeune homme découvre au tribunal qu’il n’est plus titulaire du permis de conduire depuis septembre 2022. « Ça doit être pour des petits excès de vitesse, à moins de 10 km/h, sur des routes que je ne connais pas. »

«C’est un miracle»

❝ « C’est un miracle que personne n’ait été tué ou blessé. Que nous n’ayons pas eu, comme on le voit parfois, des

gens éparpillés en morceaux sur le bord de l’A10. La route est dangereuse en soi. Pas besoin d’en rajouter. » LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

L’instructio­n du procès parle mariage, traditions culturelle­s, euphorie, spontanéit­é des événements… Le procureur de la République refroidit l’ambiance.

Pour autant, face à deux intérimair­es au casier vierge, le magistrat croit que la pédagogie peut être une vertu. Vertu qui commence par une demande de confiscati­on de l’Audi et de la BMW, même si elles ont été prêtées. Elle se poursuit par une annulation du permis et une interdicti­on de le repasser avant une année. Elle se termine par 6 mois de sursis.

À 22 h 30, le drapeau à damier sonne la fin des débats. Deux profils, deux condamnati­ons. Le conducteur de l’Audi écope de 6 mois de sursis et d’une annulation de son permis, avec interdicti­on de le repasser avant un an. La puissante voiture est restituée à son propriétai­re.

Le second prévenu écope de 6 mois de sursis et d’une suspension de permis pendant 6 mois également. La BMW, propriété de sa mère, est confisquée. Définitive­ment.

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