Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

« Je me demande si je n’envoie pas mon fils se faire empoisonne­r » à la cantine scolaire

La cantine scolaire de l’école La Trouée, à Feucheroll­es, sème la discorde. Fours trop chauds et barquettes en plastique fondues… Les parents d’élèves s’affolent.

- • Julie Eslan

La températur­e à laquelle sont chauffés les plats servis dans des barquettes en plastique à l’école La Trouée, à Feucheroll­es, estelle dangereuse pour la santé des enfants ?

C’est l’inquiétude qui étreint des parents d’élèves depuis plus d’un an maintenant. Elle est résumée dans cette confidence : « Je regarde mon fils partir tous les jours à l’école et je me demande si je ne l’envoie pas se faire empoissonn­er. »

En février 2023, des parents sont invités à déjeuner dans la cantine scolaire à l’initiative de la commission de cantine de la municipali­té, composée de membres du service jeunesse, d’élus, de surveillan­ts et de parents d’élèves (élus ou non).

Emma (le prénom a été modifié), élue de l’associatio­n des parents d’élèves, s’y rend avec sa fille, sans grande attente sur la qualité du repas. « Je me doutais que la nourriture ne serait pas spécialeme­nt bonne, car mes filles s’en plaignaien­t depuis un moment, explique-telle. Mais j’y suis quand même allée pour voir comment cela se passait ».

Les bords des barquettes fondus ?

En jetant un coup d’oeil vers la cuisine, elle réalise que les plats sont servis dans des barquettes en plastique, dont les bords lui semblent partiellem­ent fondus. Renseignée sur le sujet des perturbate­urs endocrinie­ns, elle s’inquiète immédiatem­ent de la qualité sanitaire du service.

Le prestatair­e respecte « les réglementa­tions en vigueur »

D’après le prestatair­e, La Normande, la cantine scolaire utilise des barquettes en polypropyl­ène à usage alimentair­e chaud dites ‘injectées’ pour servir les plats, pouvant supporter des températur­es allant jusqu’à 130 °C maximum.

« Ces barquettes sont fabriquées conforméme­nt aux réglementa­tions européenne et française en vigueur, et testées avant mise sur le marché dans les conditions prévues pour leur utilisatio­n, notamment un réchauffag­e à 130 °C », affirme La Normande.

L’entreprise précise que des barquettes en polypropyl­ène dites ‘thermoform­ées’ (80 °C max) sont aussi utilisées, mais dans le cadre du transport des plats froids. Ces barquettes ne seraient jamais exposées au chaud, assure La Normande.

Une première inspection d’urgence

Emma décide malgré tout de saisir la direction départemen­tale de la protection des population­s des Yvelines (DDPP 78) et leur demande une inspection d’urgence. Nous sommes en juillet 2023.

Trois jours plus tard, la DDPP 78 opère une première visite. Elle relève « des anomalies », comme nous avons pu le lire dans un mail de conclusion­s adressé aux parents d’élèves. Les fours sont jugés « trop chauds ». Des pics à 137 °C sont observés.

Pas de quoi s’alarmer, apparemmen­t, puisque la cantine est classée « satisfaisa­nte » par les services de l’État à l’issue de l’inspection.

Le maire remet en cause la recevabili­té du contrôle

Patrick Loisel, le maire de Feucheroll­es, juge que ce contrôle est irrecevabl­e. « Les enfants étaient en pique-nique ce jour-là et aucun réchauffag­e de nourriture n’a eu lieu », rectifie-t-il.

Une deuxième inspection est diligentée en décembre 2023, et rebelote. Le matériel utilisé pour réchauffer les platsne permettrai­t pas « de garantir l’absence de danger pour la santé », selon la DDPP des Yvelines.

Le maire de la ville atteste n’avoir reçu aucun rapport suite à cette inspection et précise que les fours sont bloquées à 140°C (aucune interventi­on manuelle du personnel ne peut changer ces consignes). Par ailleurs, cette deuxième inspection ne figure pas sur le site de la DDPP 78.

Au vu de l’ampleur prise par l’affaire, La Normande demande alors à son tour une inspection, à réaliser, elle, « par une entreprise externe » indépendan­te. Elle a eu lieu le 12 mars 2024. Au contraire de la DDPP des Yvelines, elle atteste cette fois de la conformité de la températur­e des fours, notée à 122 °C.

Les parents d’élèves contestent

Des conclusion­s remises en cause une nouvelle fois du côté des parents d’élèves. « Le contrôle avait lieu à 9 h 30. Tout le monde (les élus, le personnel de mairie et les représenta­nts du prestatair­e, N.D.L.R) était prêt à 8 h 30. Le prestatair­e était informé de cette visite. Elle n’a aucune valeur », clame l’une d’entre elle.

Après quelques recherches, les parents d’élèves ont découvert que cette inspection avait été menée par la société G’Froid, un prestatair­e de réaménagem­ent de cuisine.

Pas de danger pour le prestatair­e et la municipali­té

« Les perturbate­urs endocrinie­ns reconnus en tant que tels par la réglementa­tion REACH n’entrent pas dans la compositio­n des barquettes que nous utilisons, insiste La Normande. Notre fournisseu­r garantit l’absence de bisphénol A ainsi que de toute substance pouvant s’avérer dangereuse ou susceptibl­e de migrer dans les aliments. »

Les parents d’élèves, eux, n’en sont pas convaincus. « J’interdis à ma fille de manger les plats chauds. Elle mange l’entrée, le fromage et le dessert. Je lui donne plus de protéines et de fibres le matin, juste avant de partir pour l’école », indique Emma.

Des mensonges pour le maire

« Tout ce qui concerne les températur­es de fours trop élevées est faux, rétorque Patrick Loisel. J’ai l’impression qu’il y a une tendance à vouloir en découdre avec la mairie ou avec le maire. » « Beaucoup de parents se sentent menacés, glisse une habitante. On ne sait pas vraiment de quoi, mais on a peur. »

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