Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)

Le Jeu de la reine

- • Pierre LIMAT

En 2023, le Festival de Cannes débutait avec un drame historique se déroulant à la cour d’un roi. Mais ce n’est pas celui qui a le plus séduit les critiques. A Johnny Depp et Jeanne du Barry, ces derniers ont en effet préféré Jude Law et Le Jeu de la reine, reparti bredouille de la Croisette alors qu’il aurait mérité un prix.

Ne serait-ce que pour son acteur principal, absolument terrifiant et répugnant dans la peau d’Henry VIII, souverain resté célèbre grâce au destin funeste de ses épouses, répudiées ou décapitées, quand elles ne sont pas mortes de maladie comme l’une d’entre elles. Seule Catherine Parr, sa sixième femme, a échappé à ce sort, et c’est ce que nous raconte le film signé Karim Aïnouz (La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, récompensé à Cannes en 2019).

Si le titre français évoque une partie d’échecs en faisant écho à celui de la mini-série Le Jeu de la dame, il n’est pas si éloigné du sens de l’original : « Firebrand », qui signifie « agitatrice » ou « perturbatr­ice ». Car la jeune femme, incarnée par l’intense Alicia Vikander, ne compte pas tomber dans le piège qui lui est tendu, au grand dam de l’évêque, de son époux et de sa cour.

Le dénouement est connu (ou alors il suffit de lire un livre d’Histoire pour le connaître avant d’entrer dans la salle) et le récit classique, mais il y a quelque chose qui fonctionne très bien ici. A commencer par le naturalism­e de la mise en scène, qui parvient à rendre moderne un genre qui sent trop souvent la poussière au cinéma. Le spectateur a ainsi l’impression d’être sur les lieux et de sentir les odeurs du château. Ou celles des blessures purulentes d’Henry VIII, à qui le long métrage doit une grande partie de son bruit et sa fureur.

Quiconque doute encore du talent de Jude Law est donc prié de voir ce long métrage dans lequel il nous offre l’une des meilleures performanc­es de sa carrière. Et qui, même en étant situé au XVIè siècle, sait se faire pertinent pour notre époque, à travers cette intrigue sur fond d’émancipati­on, de masculinit­é toxique et de refus de l’ordre établi. Prêts à changer d’avis sur les films historique­s ?

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