Le Courrier des Yvelines (Saint-Germain-en-Laye)
«J’ai des dossiers sur chacun d’eux» : la guerre continue entre le maire et son conseil
Le conseil municipal de Triel-sur-Seine a voté contre le budget présenté par le maire Cédric Aoun, mercredi 3 avril. Ce dernier se dit victime de « trahisons » et persuadé que le budget sera « validé » par la préfecture.
Un électeur n’y retrouverait pas son bulletin de vote. Mercredi 3 avril, la séance consacrée notamment au budget 2024 de la Ville de Triel-surSeine a marqué une nouvelle étape dans la déliquescence du mandat municipal en cours.
Quatre ans après le renouvellement quasi complet des 33 conseillers municipaux et la victoire de la liste «Triel, c’est vous!» emmenée par Cédric Aoun (48 % au second tour, 25 élus), la composition du conseil a été complètement rebattue. À un point tel que la liste majoritaire ne l’est plus. Les groupes d’opposition sont passés de 2 à 4. Quelques conseillers indépendants complètent ce tableau chaotique.
Vote à bulletin secret
Mercredi, à bulletin secret (à la demande de «Triel, c’est vous ! »), 17 conseillers ont voté contre une série de délibérations, dont l’approbation du budget 2024, du compte administratif 2023, de l’affectation des résultats 2023 et des taux d’imposition 2024. En face, 16 ont voté pour.
La situation ne semble pas inquiéter le maire, persuadé que le budget sera validé, in fine, par la chambre régionale des comptes et le préfet.
« Un budget basé sur 2023, ça m’arrange »
Avant le vote déjà, il avait affirmé : «Si la préfecture impose un budget basé sur 2023, ça m’arrange, c’était l’année la plus forte en investissement. »
L’optimisme du maire risque d’être contrarié. Sur le plan de l’investissement, il n’y a guère de chance que le prochain budget permette autre chose que de terminer les travaux en cours. Ceux de la Maison de la petite enfance par exemple, dont le chantier est arrêté depuis quelques mois.
Quoiqu’il en soit, il est présomptueux d’anticiper l’analyse de la chambre régionale des comptes, et celle du contexte politique de la préfecture, plutôt occupée à préparer les Jeux olympiques par ailleurs. Le service communication préfectoral n’a pas répondu à notre sollicitation sur le sujet.
Des conseillers tous pourris
Selon Cédric Aoun, ses dissidents l’ont soit trahi, soit trompé. Le maire s’érige en modèle d’intégrité, victime de son intransigeance face à des conseillers jugés tous pourris. « J’ai des dossiers sur chacun d’eux », clame-t-il.
Des histoires de Clochemerle à une plainte pour des séances de tirs illégales, en passant par les demandes de contrôle de légalité, dénonciations calomnieuses et autre harcèlement, c’est l’ensemble des conseillers municipaux de Triel-sur-Seine qui est en stage accéléré de droit. Le résultat n’est pas probant.
« L’échec de votre gouvernance »
Dans l’opposition, les moins virulents ne sont pas les dissidents. En fin de séance, Bérangère Voillot (ex-5e adjointe) a déclaré : « Nous avons plusieurs fois refusé de cautionner votre gestion et votre conception de la démocratie locale. Nous vous reprochons une opacité dans les comptes, des projets imposés, un mépris des élus mis devant le fait accompli et des irrégularités. »
Syndrome de l’hubris ou pas ?
En conclusion, Bérangère Voillot a demandé au maire de «prendre la mesure de (sa) responsabilité dans cette situation ». Syndrome de l’hubris ou pas ? Cédric Aoun ne reconnaît « aucune responsabilité ! ». Des erreurs de casting, a minima? « Oui. Certains colistiers se sont révélés après le début du mandat, et pas dans le bon sens. D’autres, de l’opposition, ont fait le chemin inverse. »
Parmi eux, Cyrille Arzel. Il confie : « Dans l’opposition, c’était tout sauf Aoun avant les élections, et maintenant, c’est tout pour bloquer Aoun. Cela ne correspond pas à mon idée de l’intérêt général. » Le conseiller municipal reconnaît le caractère « clivant » d’un personnage qui «a du mal à supporter la contradiction ».
❝ « J’ai présenté un budget minimaliste pour finir les travaux en cours. Ils préfèrent avoir une ville morte. Le
compte de gestion a été validé, c’est le principal. Comme il n’y a qu’une voix d’écart et que le budget est à l’équilibre, ça va passer. » CÉDRIC AOUN, MAIRE DE TRIEL-SUR-SEINE
❝ « Sur vos 24 colistiers, 14 ont quitté votre équipe exécutive. Depuis des mois, vous entretenez cette situation en refusant de reconnaître l’échec de votre gouvernance qui est à l’origine de cette crise : cinq mois d’entêtement, d’invectives et de mensonges. » BÉRANGÈRE VOILLOT, EX-5E ADJOINTE ET DISSIDENTE
❝ « J’ai 45 ans, je parle trois langues et je touchais 3 500 € quand j’étais enseignant, 2 000 € pour être maire. C’est pour Triel que je me suis engagé ! » CÉDRIC AOUN, MAIRE DE TRIEL-SUR-SEINE
Avec ce genre de « francparler », parfois bien plus fleuri lors de ses Facebook Live, il est difficile d’imaginer Cédric Aoun fédérer demain le conseil qu’il a au moins contribué à faire éclater. Comme ses opposants, et notamment ses dissidents, ne souhaitent pas démissionner en bloc pour provoquer de nouvelles élections, il ne reste qu’une formule guignolesque à l’électeur triellois face à ce constat : «P… encore deux ans ! »