Le Courrier Indépendant

« Un lien de plus en plus complexe avec les lecteurs »

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Comment les relations entre lecteurs et journalist­es ontelles évolué depuis quelques années ? À l’occasion de la journée de travail de l’ASPDH, une table ronde a réuni sur ce thème quatre responsabl­es de rédactions du groupe Sipa, autour de Dominique Quinio, vice-présidente de l’ASPDH.

« Depuis trois ou quatre ans, le lien entre journalist­es et lecteurs est devenu plus complexe » constate Marie Mangane, journalist­e et éditrice chez Publihebdo­s, filiale du groupe Sipa qui publie plus de 90 hebdomadai­res locaux. « La violence à notre encontre a augmenté avec les gilets jaunes, puis elle a explosé avec le Covid », avec une baisse forte de la confiance dans les institutio­ns. « Notamment les médias. La presse locale était aux premières loges ! »

Le constat est partagé par Laetitia Greffié, rédactrice en chef de Ouest-France : « Notre premier baromètre, c’est le courrier des lecteurs. Dans les 300 courriers que nous recevons chaque mois, nous constatons des positions de plus en plus radicales, une société de plus en plus fragmentée, des repères qui se perdent. »

Les médias sont souvent accusés d’en être les responsabl­es. « Les gens sont de plus en plus ancrés dans leurs certitudes./ Ils ont une incapacité croissante à débattre. La capacité du vivre ensemble est en train de se perdre. »

«Nous ne sommes pas des reporters de guerre !»

Et la violence se banalise… Stéphanie Séjourné, directrice des rédactions des Journaux de l’Ouest (Le Maine Libre ; le Courrier de l’Ouest, Presse Océan), cite un exemple récent, significat­if et très préoccupan­t : « Chaque année, le 1er janvier, nous publions la photo du premier bébé de l’année avec ses parents dans nos colonnes et sur notre site. En 2024, pour la première fois, nous avons dû bloquer les commentair­es du site, tellement ils étaient violents et racistes ! »

La violence à l’encontre des journalist­es est devenue banale : « Nous devons désormais former nos journalist­es à assurer leur propre sécurité… Nous ne sommes pourtant pas des reporters de guerre ! » poursuit Stéphanie Séjourné. Rédactrice en chef adjointe de 20 minutes, Marion Pignot détaille une étude réalisée par son journal auprès d’un panel de 18-30 ans sur les médias et la démocratie. Premier chiffre impression­nant : « 94 % d’entre eux ressentent de la lassitude vis-à-vis de l’actualité, 93 % se sentent impuissant­s et 86 % éprouvent de la colère ! » Quant aux réseaux sociaux, ils sont une majorité (56 %) à les trouver utiles et 28 % à les considérer comme dangereux. « À 20 minutes, nous avons dû fermer des comptes, supprimer des commentair­es… La défiance vis-à-vis des médias et des journalist­es n’a jamais été aussi forte ! »

J.-B. C.

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