Le Courrier Vendéen

La légende du singe dans une barrique

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L’affaire commence à Brétignoll­es le 27 décembre 1911. Le journal Le Publicateu­r de la Vendée du 5 janvier 1912 dit qu’il a été trouvé sur la côte de Brétignoll­es une barrique contenant un gros singe, mais rien d’autre. Le Journal des Sables du 14 janvier dit que des habitants de Saint-Martin-de-Brem trouvèrent sur la côte un tonneau apporté par la tempête. Pour se rendre compte de son contenu, il percèrent une douelle avec une vrille. De l’alcool s’écoula et chacun en but une bonne gorgée. Quant ils voulurent remuer le sacré tonneau pour l’emmener chez l’un d’eux, ils remarquère­nt que quelque chose bougeait à l’intérieur. Ils défoncèren­t le tonneau et c’est un orang-outang bien conservé dans l’alcool qui apparut. Les buveurs de gnole, dégoûtés, vomirent plus vite qu’ils n’avaient bu. Ensuite, la même histoire se déplaça chez les habitants de Saint-Gilles ou de Croix-de-Vie. Un singe sera installé en mairie de Saint-Gilles pour la commémorer. On en fera des cartes postales. Ce conte se raconte à Longeville, La Tranche, en Bretagne, Normandie, en Charente-Maritime. Mais chacun certifie que c’est arrivé dans son pays, et qu’il n’y a rien de plus authentiqu­e.

Voilà comment Camille Millet racontait la chose en « parlanjhe », vers 1948, pour amuser les Vendéens de Paris :

- Un jour, trois pêcheurs trouvèrent sur la plage un baril qui flottait dans l’eau. Il provenait, bien sûr, d’un bateau qui avait fait naufrage. Ces trois garçons prirent une vrille pour voir ce qu’il y avait dans ce baril. Quand ils l’eurent goûtée, ils s’aperçurent que c’était de la très bonne eaude-vie, qui pesait bien 80 degrés. Ils ne dirent rien à personne, ils emportèren­t le baril dans un petit bois et le cachèrent sous des feuilles. Le soir, ils faisaient souvent des visites à leur cachettes et ils revenaient au village en se tenant le bras et en titubant un peu. Les gens s’étonnaient de voir ces trois garçons revenir faire bombance tous les soirs, alors qu’ils n’allaient pas à l’auberge. Cette affaire s’ébruita, si bien qu’un jour, les douaniers les suivirent jusqu’à leur cachette et découvrire­nt le pot-aux-roses, qui n’était pas un pot, mais un bon fût d’eaude-vie.

- Ah ! Mes gaillards, dit le douanier, vous allez tout de suite me mettre ce fût sur une charrette à bras et venir au poste. Et vous saurez ce que ça vous coûtera...

La barrique fut chargée... L’un des garçons se mit dans les brancards. Mais quand ils arrivèrent à la douane, la charrette bascula en arrière... et le sacré fût tomba et se défonça. Mais ceux qui se trouvaient là furent bien épatés. Qu’est-ce qui sortit de ce fût ? Un singe... oui... un chimpanzé... disait-on, il venait des colonies pour aller dans un musée parisien, il était conservé dans l’alcool. Mes trois garçons rendirent tout ce qu’ils avaient dans l’estomac à l’idée qu’ils avaient bu de l’alcool de singe pendant trois semaines.

Ce ne sont pas des mensonges. Ceux qui ne veulent pas le croire n’ont qu’à aller à Croix-deVie, le singe y est encore. On l’a empaillé... et il figure sur les cartes postales.«

D’après Jean-Loïc Le Quellec, 1996, p 52, Camille Millet, 1948, p 10.

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