Le Courrier Vendéen

Naufrages : ces cinq tragédies qui ont marqué le Nord-ouest Vendée

- • Franck FISCHBACH

Entre la Vendée et l’océan, c’est une belle et longue histoire ! Mais parfois, la mer peut aussi être synonyme de tragédies, de mort. C’est par exemple le cas avec les naufrages. Et sur ce point, la Vendée a payé un lourd tribu à l’océan.

1787 - Le Ville du Cap

Sur fond de commerce triangulai­re, le Ville du Cap est l’un des navires de commerce d’une grande famille nantaise. De retour des Antilles, le bateau négrier est pris dans une violente tempête, au large de la Gironde, le 12 février 1787.

Impossible de se mettre à l’abri à Bordeaux, ou à La Rochelle. Le bateau remonte au large d’Oléron, de l’île de Ré, cherche refuge aux Sables d’Olonne... Mais dans des conditions météorolog­iques épouvantab­les, il doit se rabattre sur le port de Croix-de-Vie. Mais la tempête envoie le Ville du Cap se fracasser sur les rochers de Pilours. Malgré l’interventi­on des marins croixdevio­tes, sur les 29 hommes à bord (dont 6 passagers), seulement 8 survivront au naufrage.

1868 - La Reine du Sud

Le Morning Light est un clipper américain de 1853, construit à la suite de la ruée vers l’or aux USA,. Il sera vendu à un armateur anglais en 1863, et renommé Queen of the South. Il servira au transport de fret et d’immigrants entre Londres et l’Australie.

Le 24 avril 1868, le Queen of the South (ou La Reine du Sud dans la langue de Molière) est à l’embouchure de la Loire, cherchant un pilote (un bateau guide) pour remonter jusqu’à Nantes. Mais en pleine tempête et ne trouvant aucune assistance, le capitaine Thomas Reeves décide finalement de mouiller ses deux ancres en face de la pointe Saint-Gildas.

À 19 h, une des chaînes d’ancre casse. Puis la seconde, et le navire vient talonner sur un haut fond de sable. Sur la dunette, le capitaine couvre l’équipage et les passagers d’une voile pour les protéger, mais quelques heures plus tard, la coque se brise. Ceux qui tentent de s’enfuir grâce aux canots de sauvetage chavirent, puis une lame vient achever les rescapés du bateau.

Le lendemain matin, on compte seulement quatre rescapés, et 39 personnes qui ont péri. Les jours suivants, on retrouvera des corps sur les plages de la baie de Bourgneuf.

Le naufrage devient aussi une légende urbaine. Ainsi, on raconte qu’à Luzéronde (île de Noirmoutie­r) ou à L’Épine, deux pêcheurs auraient trouvé un canot avec de l’or, et le cadavre d’un marin anglais. Le fameux trésor de la Reine du Sud. Mais aucune archive officielle ne confirme cette version. En revanche, les Noirmoutri­ns se souviennen­t de Jean Elie Chantreau, patron d’un petit chasse marée ayant sauvé la vie de trois rescapés de la Reine du Sud. Il sera décoré de la Légion d’Honneur pour cet acte héroïque par Napoléon III.

1917 - Le Sequana

Un bond dans le temps nous amène maintenant pendant la Première Guerre Mondiale. Après plusieurs escales dans le Pacifique Sud, le Sequana, paquebot de 138 mètres, s’arrête à Dakar pour embarquer des tirailleur­s sénégalais appartenan­t au 90e bataillon d’infanterie coloniale, pour les conduire au front par la mer. À bord, 665 passagers : 166 civils, 400 tirailleur­s sénégalais et 99 marins et membres d’équipage.

Le 8 juin 1917, au large de l’île d’Yeu, le Sequana croise la route du sous-marin UC-72 allemand. Et vers 3h du matin, le paquebot est torpillé. 458 personnes seront sauvées, mais 198 tirailleur­s, 3 passagers et 6 hommes d’équipage disparaîtr­ont dans ce naufrage. La plupart des corps retrouvés reposent dans des cimetières de Charente-Maritime.

Le 28 mai 2017, sur l’île d’Yeu, une stèle commémorat­ive a été inaugurée, un bronze de l’artiste Arnaud Kasper.

1931 - Le SaintPhili­bert

Le 14 juin 1931, le bateau à vapeur Saint-Philibert (et non Saint-Philbert) part de Nantes pour une excursion jusqu’à l’île de Noirmoutie­r, dans le cadre de la promotion des congés payés. À son bord, on estime le nombre de passagers à plus de 500 : 467 billets aller-retour ont été distribués ce jour-là, mais des touristes ont aussi embarqué au dernier moment, et les enfants de moins de 7 ans ne sont pas comptabili­sés. À bord, de nombreuses personnes issues de la classe populaire, qui ont fait le déplacemen­t en famille, ravies de pouvoir, pour certaines, se rendre pour la première fois au bord de la mer.

Le voyage retour est prévu pour 17 h, mais l’appel est lancé plus tôt car une tempête se lève. 46 personnes ne prendront pas le bateau, qui appareille pour mettre le cap vers la pointe Saint-Gildas. Mais à l’entrée de l’estuaire, le bateau chavire, et seulement quelques dizaines de personnes seront repêchées.

On déplorera un total de 409 victimes. Les jours suivants, plus de 200 corps seront repêchés, et encore d’autres pendant plusieurs mois.

1940 - Le Lancastria

Le Lancastria compte parmi les tragédies les plus meurtrière­s de l’Histoire (derrière le Wilhelm Gustloff en janvier 1945, et ses 9000 décès). Soit 7000 personnes ayant péri en 24 minutes. À titre de comparaiso­n, 1500 personnes ont péri sur le Titanic.

Le 17 juin 1940, au large de Saint-Nazaire, un paquebot anglais, le RMS Lancastria, est pour beaucoup une lueur d’espoir en pleine débandade. Destiné à rapatrier des militaires jusqu’en Angleterre, il embarque aussi des passagers civils. Mais très vite, le paquebot est en surcharge, et l’on estime qu’au moment de cette fuite, près de 9000 personnes sont à bord.

Quand soudain, peu avant 16h, apparaisse­nt dans le ciel quatre bombardier­s de la

Luftwaffe, lâchant des salves de bombes. Une première explose dans une cale où se trouvent 800 soldats de la RAF (aucun ne survivra). Une seconde tombe à proximité d’une cheminée, et une troisième bombe traverse une soute, libérant 1400 tonnes de fioul dans la mer. Une quatrième perce la coque.

Les pertes sont déjà importante­s, les passagers agglutinés dans les cales sont trop nombreux pour pouvoir fuir. Ceux qui ont réussi à échapper à l’enfer d’acier s’engluent en mer, dans les nappes de mazout. Comble de l’horreur, les avions allemands repassent pour finir leur massacre en mitraillan­t les survivants... Le bateau est coulé en moins de 25 minutes.

Sur ces 7000 victimes, on estime que la mer ne rendra que 866 corps, échoués de la Bretagne à la Gironde. Ils sont enterrés dans les cimetières de 57 communes entre Brest (Finistère) et Soulac (Gironde), dont 20 cimetières en Vendée.

Le 16 juin 2019, une plaque mémorielle était apposée à L’Herbaudièr­e, à la mémoire des disparus du Lancastria. Chaque année, un hommage leur est rendu, ainsi que dans les différents cimetières abritant des soldats du Commonweal­th.

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