Le Courrier Vendéen

« Tous les jours, on me demande où on en est dans notre recherche de médecin »

- • Tifenn Lorcy

C’est un programme unique en Vendée, pour pallier le manque de médecins dans les communes rurales. Quatre communes du Nord-Ouest Vendée feront partie du programme Escorter : elles vont bénéficier de permanence­s de médecins certains jours de la semaine.

Fin janvier 2024, les hôpitaux de Vendée ont déclenché le plan « hôpital en tension », invitant tout à chacun à composer le 116 117 pour ne pas engorger le service des urgences, ou à contacter son médecin traitant, voire à contacter son pharmacien. Mais parallèlem­ent, dans les communes rurales, de nombreux patients se retrouvent sans médecin traitant après des déménageme­nts ou départs en retraite. Cette situation inquiète de nombreux décideurs locaux. Dans le Nord-Ouest Vendée, quatre communes ont été désignées pour intégrer le programme Escorter : Froidfond, Beauvoir-sur-Mer, La Guérinière et La Barre-deMonts.

A Froidfond, à moins de 10 minutes en voiture de Challans, le seul médecin de la commune est parti en juin 2023, laissant en plan plus de 1700 patients. Depuis, la mairie continue à chercher désespérém­ent un médecin. En effet, Philippe Guérin, maire de la commune, assure mettre les moyens : quatre cabinets de recruteurs spécialisé­s planchent sur ce recrutemen­t. Cabinets rémunérés uniquement s’ils parviennen­t à trouver la perle rare. « En mai dernier, notre médecin est parti sans prévenir. J’étais pourtant allé la voir en 2023, elle m’avait dit qu’elle resterait encore deux ans. Trois semaines après, elle me dit qu’elle part. Elle était là depuis 14 ans. J’ai su ensuite qu’elle s’était installée près du Mans. » Le maire qui s’était « occupé de son intégratio­n » a eu des difficulté­s à digérer la nouvelle. 1750 patients se sont retrouvés sans médecin du jour au lendemain.

« Avant, les médecins pouvaient nous prendre à 20 h 30 »

Vincent, la soixantain­e, victime d’un accident du travail, ne peut plus exercer sa profession de chauffeur routier. Sa femme et son fils étaient suivis par ce médecin. « J’avais été prévenue par la médecin, qui nous a rendu nos dossiers, à moi, ma femme et notre fils en mars de l’année dernière. Mais depuis, ma femme, qui a une maladie longue durée, n’a pas trouvé de médecin traitant. Elle peut remplir un document qu’elle remet à l’hôpital de Challans pour être prise en charge ».

Vincent regrette l’époque pas si lointaine où « les médecins pouvaient nous recevoir à 20 h 30. Ils faisaient de grosses semaines. Aujourd’hui, il font 35 heures, pas plus. Ce n’est plus comme avant, » soulignet-il, amer. S’il a finalement réussi à trouver un médecin traitant, la recherche n’a pas été facile. « La mairie a indiqué qu’on pouvait se rendre au cabinet médical de La Garnache. Or là-bas, on m’a indiqué le contraire, qu’ils ne s’occupaient pas des nouveaux patients. »

Jérôme, 38 ans, était suivi très ponctuelle­ment par cette médecin. Il n’a jamais été informé de son départ. « En octobre dernier, il fallait que je renouvelle mon ordonnance. Mon voisin m’a dit qu’elle était partie, je n’y croyais pas. Quand j’ai appelé, je suis effectivem­ent tombé sur un numéro non attribué. J’ai vu que la plaque avait été enlevée. Pour renouveler mon ordonnance, heureuseme­nt, j’ai pu aller en pharmacie. J’aurais bien aimé être prévenu de son départ ».

Comment la mairie gère ces départs ?

A la mairie, pour répondre aux patients sur le carreau, le maire souligne : « Les patients qui avaient une pathologie importante, comme le diabète ou la maladie de Parkinson ont trouvé un médecin.

Les autres essaient d’avoir des rendez-vous tant bien que mal. Des places se sont libérées à Challans : un médecin qui a accueilli une secrétaire a pu libérer davantage de créneau pour ses patients. D’autres ont des places à Boisde-Céné, Châteauneu­f, SaintGerva­is... Tous les jours, on me demande où nous en sommes dans la recherche d’un médecin. »

Pas toujours évident de trouver un médecin qui coche toutes les cases pour s’installer. « En juin, deux médecins sont venus. Mais ils venaient de pays hors union européenne, de Russie et du Bénin. Or ils doivent passer une validation par l’ARS », regrette Philippe Guérin. Engager un médecin et le faire salarier par la commune ? « Trop compliqué », assure le premier édile. Et trop cher pour la petite commune. « Deux médecins auraient été intéressés, mais il aurait fallu qu’on finance le salaire d’un secrétaire médical ». Mais la commune met les moyens pour séduire les soignants : une prime de 30 000 euros pour l’installati­on ainsi qu’un loyer gratuit pendant un an.

Ce projet Escorter pourrait appuyer la commune dans ses recherches. Sans résoudre complèteme­nt le problème. Le maire détalle le projet « Il s’agit pour les petites communes d’accueillir trois personnes : un médecin (interne), une assistante médicale et une secrétaire médicale. Nous on aurait à fournir les locaux, ce qu’on a accepté de faire. » Pour l’heure, aucune date d’arrivée n’est actée.

Un peu plus loin sur littoral, Beauvoir-sur-Mer. Dans cette commune de presque 4000 habitants, il y a eu jusqu’à 7 médecins en 2017. Jean-Yves Billon, maire de la commune, dresse un amer constat : « Actuelleme­nt, nous n’avons plus que deux médecins, un homme et une femme ». Petit à petit, les médecins ont quitté leur fonction, soit pour partir en retraite, soit pour changer de lieu d’exercice. « Un de nos médecins est parti s’installer à Challans, dont la patientèle l’a suivi et doit faire les trajets. » La mairie a financé des rénovation­s et deux cabinets sont opérationn­els, prêts à accueillir un profession­nel de santé. « On recherche toujours des médecins pour pallier les besoins. Nous avons un cabinet de consultati­on disponible, ainsi qu’un cabinet dentaire, rue du 8-Mai. Un cabinet sur deux est occupé. » Le maire espère vivement qu’un médecin s’installe durablemen­t. Combien de personnes sont sans médecin traitant dans sa commune ? « Plusieurs centaines, voire un millier », soupire le maire. Or « la moyenne d’âge est élevée dans la commune. Il est difficile pour eux de se déplacer, même si on a des déplacemen­ts solidaires. » La mairie est prête à mettre tout en place pour faciliter les permanence­s de médecins dans le cadre du programme Escorter.

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