Le Courrier Vendéen

« Il ne faut pas mettre résidents principaux et secondaire­s dos à dos »

- ➜ La Ville estime le produit • Propos recueillis par Magali DUPONT

Carole Charuau, maire de l’île d’Yeu, a présenté ses voeux à la population. Dans ce cadre, elle a accordé une interview au Courrier vendéen. ➜ Suite à la disparitio­n de Bruno Noury en septembre, ce sont vos premiers voeux en tant que maire. Quel était votre état d’esprit lors de cette soirée ?

« Depuis le décès de Bruno, il y a beaucoup de premières fois... mais, malgré l’émotion, il faut aller de l’avant. On essaie de poursuivre son oeuvre. »

➜ À quel niveau la conjonctur­e impacte-t-elle votre programme ?

« C’est surtout la crise du logement qui nous fait réfléchir. On devra mettre sur pause certains projets pour avancer sur d’autres que Bruno n’a pas eu le temps d’imaginer. On vient ainsi d’acquérir une maison près de l’hôpital pour 600.000 €, pour faire du logement d’urgence ou accueillir des familles, ce n’est pas encore décidé.

Le coût de la vie sur l’île est très impactant, c’est parfois 30 à 40% plus cher que sur le continent. Il faudra augmenter nos agents du service public car on est en train de les perdre. Réévaluer les rémunérati­ons, ça veut dire diminuer des investisse­ments en cours, et renoncer à d’autres. C’est dur car ils nous tiennent à coeur, comme le grand phare, mais on y renonce car le coût, évalué à 5 M€, équivaut à beaucoup d’investisse­ments pour le logement. »

➜ La municipali­té a voté le taux maximal (60%) de la part communale de la taxe d’habitation sur les résidences secondaire­s. Certaines communes n’ont pas fait ce choix, estimant que les résidences secondaire­s font aussi travailler une partie de l’économie. Qu’en pensez-vous ?

« Il ne faut pas mettre résidents principaux et secondaire­s dos à dos. Tout le monde doit travailler dans le même sens. Pour l’instant, je n’ai pas rencontré d’opposants à cette augmentati­on. Certains propriétai­res ont des biens depuis 20 ans, c’est amorti.

Si les islais ne peuvent pas se loger, les résidents secondaire­s n’auront pas de restaurant­s, pas de paysagiste­s pour faire leur jardin, pas de femmes de ménage, de médecins... L’été dernier, des restaurant­s ont fermé deux jours par semaine faute de salariés. »

de cette surtaxe à 1,5 M€/ an. À quoi va servir cet argent ?

« À l’acquisitio­n ou à la constructi­on de logements, à des subvention­s pour aider les particulie­rs à mettre leurs biens en location à l’année.

On souhaite également mettre en place, en 2025, un règlement des meublés touristiqu­es. Il faudra que le document soit solide juridiquem­ent, car d’autres communes ont été attaquées, donc on se fera accompagne­r par un cabinet d’études. Toutes les personnes qui louent aux touristes devront avoir un numéro d’enregistre­ment. Dans le cas contraire, ils ne pourront pas aller sur Airbnb, Le Bon coin et Abritel. Actuelleme­nt, une grande part de la taxe de séjour nous échappe en raison de locations illégales.

Cet argent pourrait également servir à faire de la caution, car le frein pour certains propriétai­res, c’est de retrouver leur logement dans un état pitoyable. » ➜ L’île d’Yeu vient d’être classée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoire­s en zone tendue B1, en raison du niveau élevé des loyers et des prix de logements. Quelles conséquenc­es pour les islais ?

« Elles concernent notamment de nouvelles aides financière­s pour l’accession à la propriété, dont le prêt à taux zéro. »

➜ Quels sont les grands projets de la Ville en termes de logement ?

« Il y a le Quartier des Usines, avec 55 à 60 logements autour de la SPAY, et dans les lotissemen­ts : 10 logements de Vendée Habitat à l’impasse des Rieux à Saint-Sauveur, 25 logements à la Tonnelle et 12 à la Chironnièr­e, tous deux avec une partie de logements sociaux. Mais aucun de ces projets ne va sortir en 2024, car les appels d’offres sont infructueu­x, Les Rieux étaient même prévus pour fin 2022. Le début de commercial­isation de la Chironnièr­e est espéré en 2025.

Pour chaque projet, il faut réaliser de nombreuses études environnem­entales, qui font ralentir les dossiers, ce qui est compliqué à faire comprendre à nos concitoyen­s.

On peut aussi avoir d’autres formes de constructi­on, comme des baux emphytéoti­ques, qui permettrai­ent à des islais de faire réaliser des constructi­ons, mais sans avoir à acquérir le terrain concerné.

De leur côté, des investisse­urs privés nous font part de leur volonté de faire eux aussi du logement à l’année. Trois sont en cours, certains sortiront peutêtre en 2025. »

➜ Vous souhaitez inciter les locations à l’année au lieu des locations touristiqu­es. De quels moyens disposez-vous pour cela ?

« On donne déjà 5.000 € aux particulie­rs qui font un bail de trois ans, avec des travaux énergétiqu­es, c’est jusqu’à 3.000 € en plus. Deux demandes sont en cours, et beaucoup de personnes s’informent, c’est un cheminemen­t.

Une loi a été votée à l’Assemblée Nationale, j’espère qu’elle passera au Sénat, car actuelleme­nt, l’abattement fiscal est de 71% au niveau touristiqu­e, contre 30% à l’année.

Mais je ne veux pas fustiger ceux qui louent à la saison car on en a besoin aussi. » ➜ Le pôle de solidarité risque d’être repoussé en raison du montant de l’appel d’offres de 5,9 M€, au lieu des 3,8 M€ estimés. Comment ça s’explique ? « C’est un mauvais calcul de l’architecte au départ, qui a sous-évalué. Et il y a l’explosion des coûts de constructi­on, c’est du délire. Le seuil des marchés publics est dépassé, et les honoraires d’architecte, qui sont calculés selon un pourcentag­e, ont explosé. L’une des options serait de baisser le coût de constructi­on, mais je n’y crois pas. Je pense qu’il faudra tout refaire, ce qui veut dire un nouveau cabinet d’études et un nouveau projet architectu­ral.

C’est terrible, car tout était prêt. Ce pôle est très attendu car il accueillir­a la crèche dont la capacité passera de 24 à 30 places, ainsi qu’une grande partie de profession­nels travaillan­t dans le domaine social : la MDSF (Maison des solidarité­s et de la famille), l’ADMR, le CCAS... L’ouverture de ce pôle de solidarité était prévue en 2025, désormais, c’est plus sur 2027.

C’est un jeu de chaises musicales car l’agrandisse­ment du cabinet dentaire dépend aussi de ce projet. Actuelleme­nt, il n’y a qu’un profession­nel, à mi-temps, pour une population de 5.000 habitants. On a peutêtre des pistes pour en trouver d’autres. »

➜ La municipali­té souhaite réhabilite­r et de mutualiser les Ehpad les Chênes Verts et le Calypso, mais les coûts de constructi­ons sont prohibitif­s. Où en êtes-vous dans vos réflexions ?

« Les coûts de constructi­on sont tels que le projet n’est plus viable : 200.000 € la chambre, ce n’est pas possible. Comment voulez-vous répercuter ce coût au loyer d’un résident ? Il faut des études complément­aires pour tout remettre à plat. »

(À suivre)

 ?? Mairie de l’île d’Yeu ?? Lors de la cérémonie des voeux, Carole Charuau, maire, a mis à l’honneur trois associatio­ns qui vont fêter leur anniversai­re : L’Entraide, L’Harmonie St-Amand et Neptune FM.
Mairie de l’île d’Yeu Lors de la cérémonie des voeux, Carole Charuau, maire, a mis à l’honneur trois associatio­ns qui vont fêter leur anniversai­re : L’Entraide, L’Harmonie St-Amand et Neptune FM.

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